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mardi 24 mars 2015

Les majuscules script ou lettres bâtons

Voici encore un message d'un internaute, Jean-Marc, dont les questions sont intéressantes.

Voici ce qu'il nous dit :


 "- J'ai abordé l'écriture par le script
- Je n'ai pas aimé le passage au cursif, mais on m'a dit qu'on écrivait plus vite comme ça alors j'ai fait des efforts au primaire. On utilisait le script pour légender les figures de science... ce que je préférais...
- J'ai été soulagé de pouvoir revenir à l'écriture que je voulais au collège, donc au script. J'ai fait une excellente scolarité."


 En France, l'apprentissage de l'écriture commence par l'écriture cursive. Toutefois, à l'étranger, tel n'est pas toujours le cas. Aux USA par exemple, les enfants apprennent en premier lieu l'écriture script. Ainsi, durant deux années ( l'équivalent de nos CP et CE1) les enfants se perfectionnent jusqu'à parvenir à un certain niveau d'efficacité à l'écrit. C'est à ce moment que l'on recommence tout depuis le début en leur apprenant maintenant une nouvelle forme d'écriture : la cursive!
Je ne suis donc absolument pas étonnée que plus aucun petit américain n'écrive en cursive, ou que Jean-Marc soit revenu au script au collège. L'écriture cursive demande du travail, tout comme l'écriture script. Mieux vaut, et de loin, travailler un seul mode d'écriture, que de papillonner de l'un à l'autre...
Alors, par quel type d'écriture commencer, script ou cursive? L'écriture cursive est faite pour écrire à la main, alors que l'écriture script est prévue pour tout ce qui est imprimé. Pourquoi utiliser une écriture scripte qui nous complique la vie?

"J'ai également tenté de rationaliser mon écriture script, pour être plus rapide, et c'est sur ce point que va porter ma question.
Je constate que, par rapport aux gestes que l'on m'avait enseigné
1- Je peux être plus efficace
2- Mais malheureusement les anciennes habitudes ont la vie dure, et cela me demande une forme de concentration particulière pour ne pas retomber dans les anciens gestes, même après 10 ans de pratique !!!
J'en conclus qu'il y a un problème avec la manière classique de tracer les lettres scriptes."



Les lettres script ne sont pas faites pour être tracées à la main... Donc, quelle que soit la manière de tracer des lettre scriptes, on sera toujours moins efficace qu'en cursive. Toutefois, on peut optimiser son geste d'écriture -même scripte- pour être plus efficace. De plus, il est plus facile de prendre des bonnes habitudes dès le départ que d'en changer... enseigner la meilleure façon de tracer les lettres dès le départ est donc importante.

 "Maintenant mon fils est en MS et ils apprennent les majuscules scriptes (que la maîtresse appelle "bâtons").
Pour prendre le premier exemple venu, je lui avais montré comment tracer un A efficace, en commençant par le bas, ça fait bas-haut-bas puis lever de crayon pour la barre. La maîtresse montre en trois traits en partant du haut. Je pensais qu'on pourrait se mettre d'accord simplement mais sa deuxième répartie a été "si vous lui apprenez comme ça il va faire des A arrondis ça va le marginaliser". Il ne m'a pas été possible de profiter de son expérience pour progresser dans ma compréhension du sujet. Je fais aussi les D en partant du bas mais je suis d'accord qu'il y a un risque qu'ils ne s'arrondissent de trop et deviennent des O. Alors voila ma question : QUEL TRACÉ ENSEIGNER pour les lettres scriptes ? Et pour les chiffres ? Cela a-t-il seulement été étudié ?"

La maîtresse n'a pas totalement tort. Dans les petites classes, on se doit d'être rigoureux sur le respect du sens du tracé. Si cela n'est pas fait, lorsque l'écriture devient plus fluide et s'éloigne du modèle, les lettres se déforment et ne sont plus lisibles. Pour autant, je ne pense pas que des A arrondis soient des A qui marginalisent. D'ailleurs, je recommande de commencer le A par le bas...

Voici ce que je recommande :
Les lettres qui commencent par un trait descendant: I, H, L, E, T, F
Les lettres avec obliques:
- celles qui partent d'en bas : MNA ( que l'on fait comme ceci pour un souci de fluidité )
- celles qui partent d'en haut: VWXYZK
Les lettres avec des courbes qui commencent par un trait descendant: BDRP

Il n'est peut-être pas inutile que j'insiste sur l'utilité de cet apprentissage. Les majuscules scriptes sont utilisées pour l'écriture manuelle des noms propres, et dans certaines professions on en écrit beaucoup ; même pour les 15 min que j'y passe chaque jour j'apprécie que cela ne soit pas 18 ou 19... C'est aussi l'écriture des maths, et des chiffres. 


Je partage cet avis. Savoir écrire en script (majuscule et minuscule) est utile.

On m'a appris le 6 et le 9 par le haut, comme un g pour le 9, mais ne serait-il pas plus rapide d'apprendre par l'autre bout ? 

L'expérience me montre que les enfants qui font leur 9 par en bas ont un souci de lisibilité.  Certes, quand je tape 6 et 9 il s'agit de la même lettre tournée à 180°. Mais le 9 écrit à la main n'est pas un 6 tourné à 180°puisqu'on commence comme un C. Le 9 écrit à la main est comme un petit g.
Indépendamment de cela, pour moi, le geste de base de l'écriture va de gauche à droite en passant par en bas, soit U.
Utiliser un geste partant vers l'arrière (si on commence ses 9 en bas) ne colle pas à notre sens de l'écriture, tout simplement.


Y a-t-il une vraie différence de vitesse entre le cursif et le script une fois optimisé le script ? Déjà sans optimiser, des tests informels semblent montrer qu'il n'y a pas beaucoup de différence (je n'ai pas encore réussi à trouver de ref sérieuse), et au moins quand l'écriture est peu lisible on sait combien de lettres il y a, j'aimerais que l'on n'enseigne pas le cursif aux médecins...


Je n'ai pas de référence immédiate sous la main quant à la différence de vitesse script/ cursive, mais je ne manquerai pas de les ajouter dès que possible.
Les médecins sont illisibles, ce qui est accepté culturellement. Ils écrivent tellement vite que leur écriture est en général déstructurée. Je pense que le problème serait le même en script, malheureusement. 








mercredi 18 mars 2015

Faut-il alléger l'écrit des élèves en difficulté?

Un Papa et enseignant me fait remarquer que ce que j'ai écrit précédemment peut être mal compris.

"Bonjour, je viens de lire votre article et attention, lorsque vous écrivez " Non il ne faut pas faire écrire moins". De quel cycle parlez vous ???

 Mon fils souffre depuis la MS et on se bat aujourd’hui en CE2 où les leçons à copier sont de plus en plus longues à ce qu’il ait des photocopies car il ne peut pas se relire, certains mots devenant illisibles et d’autres manquants, la phrase ne donnant plus de sens!


Merci de rectifier vos propos pour des parents non professionnels."
L'objet de ce billet n'est pas de revenir sur mes propos, que vous pourrez lire en cliquant ici, mais je souhaite toutefois répondre à cette remarque qui me parait tout à fait judicieuse et préciser ce que j'entends par là précisément.

Aujourd'hui, de plus en plus nombreux sont les enfants en difficulté avec l'écriture. Grande est donc la tentation de résoudre le problème en les faisant écrire moins.
Cette adaptation a des avantages, j'en conviens. Vous pouvez d'ailleurs lire ce que j'écrivais sur le sujet en cliquant ici : un dysgraphique dans la classe.

Il est donc assez clair que je suis tout à fait d'accord pour qu'on adapte la quantité d'écrit d'un enfant en fonction de ses capacités. On ne laisse tout simplement pas souffrir un enfant en difficulté avec l'écriture.

Toutefois, et comme je le mentionne dans l'article "un dysgraphique dans la classe", une réduction de la quantité d'écrit n'est pas une solution au problème à elle toute seule! Il faut impérativement qu'elle soit associée à une prise en charge particulière de rééducation du trouble.

En effet, un enfant qui n'écrit pas (ou peu) progresse moins vite que les autres. On se retrouve donc avec un écart de plus en plus grand avec ses pairs.

Or, deux possibilités s'offrent à nous :

- l'enfant a un simple retard d'écriture par rapport aux autres, lié par exemple à un mauvais apprentissage, ou a un épisode de son parcours qui lui fait détester le fait d'écrire. Peu importe l'origine du problème,  l'enfant  aura les capacités d'écrire comme les autres dans un avenir proche... si seulement il s'entraîne! Réduire la quantité d'écrit le soulage certainement, mais pendant ce temps l'écart se creuse avec les autres élèves de sa classe, alors qu'il pourrait progresser.

- autre option, l'enfant souffre d'un handicap. Dans ce cas, il n'a aucune chance d'écrire comme les autres sans une prise en charge adaptée par une équipe pluridisciplinaire.  Et même avec cette prise en charge précoce et intensive, une proportion de ces enfants n'écrira jamais tout à fait comme les autres : il s'agit vraiment d'un handicap.

Dans les deux cas, c'est le travail de remédiation ou de rééducation qui va permettre de progresser, ou de poser à terme le diagnostic de handicap puisque l'enfant ne progresse pas assez malgré cette prise en charge.

De plus en plus souvent, des enfants viennent me voir au cabinet bardés de bilans de toute sorte attestant qu'il y a bien un problème. Ils ont des adaptations en classe, mais rien n'est fait pour réellement les aider! Quand j'écrivais: " Doit-on laisser l'enfant écrire moins que les autres enfants de sa classe? Non, car il n'écrira pas assez pour progresser" , je voulais seulement indiquer que ce contenter de cette simple adaptation risque d'accentuer le problème. Oui, l'ordinateur est une option très intéressante pour les enfants handicapés, il serait dommage de se priver de cet outil s'il est nécessaire.

Accepter de passer à l'ordinateur un enfant de CP est , pour moi, une acceptation que l'enfant a un handicap et qu'il en souffrira toute sa vie. 
Pourtant, même pour un professionnel spécialisé dans l'écriture, bien malin qui peut prédire qui peut progresser et rattraper son retard, ou pas!

Prenons l'exemple de Jeanne, 6 ans, élève de CP... Pourra t'elle écrire ou pas?



Voici l'écriture de la même enfant, lors de la 4ème séance de rééducation ( première séance début janvier, séance 4 mi-mars, donc les progrès ont eu lieu en deux mois et demi...) 




La rééducation de l'écriture de cette enfant est loin d'être terminée, mais clairement, cette enfant progresse, et vite. Donnons-lui la chance de progresser à son maximum.

Donc, pour conclure : adapter la quantité d'écrit scolaire, oui, mais il faut accompagner les adaptations par une prise en charge adaptée. Faire faire des lignes d'écriture en travail supplémentaire n'est pas une prise en charge adaptée dans une écrasante majorité des cas.