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dimanche 30 décembre 2012

Dysgraphie : le tiers temps aux examens


Dysgraphie : des aménagements aux examens scolaires sont possibles

dysgraphie examen
La dysgraphie au même titre que la dyslexie est reconnue comme handicap par les autorités scolaires et donne lieu à la possibilité d’utiliser le tiers-temps lors des examens. Cette aide permet de gommer en partie le handicap.

En France, le texte officiel concernant l'usage du tiers temps par les personnes dûment diagnostiquées avec une dysgraphie a été publié au  Bulletin officiel n°1 du 4 janvier 2007 du Ministère de l'éducation nationale.

Les élèves peuvent exercer leur droit pour demander des dispositions spéciales aux examens. Les élèves victimes d’une situation handicapante (l'éducation nationale parle de trouble spécifique des apprentissages, TSA) peuvent bénéficier d’une compensation adaptée à la hauteur de leur désavantage : tiers-temps, demande spécifique de ne pas prendre en compte l'orthographe, usage d'un ordinateur ou d'une calculatrice, aide d'un secrétaire.

Dossier de demande d'aménagement d'examen pour la dysgraphie


Pour constituer le dossier de reconnaissance de la dysgraphie, il vaut mieux se rapprocher du médecin de votre établissement scolaire, les procédures pouvant varier d'une académie à l'autre. A titre indicatif, je vous donne ici la procédure qui est suivie en Alsace dans le Bas-Rhin :

Le dossier doit être constitué des 3 formulaires pré-imprimés (ci-joints en bas de page) et des justificatifs suivants :


1- une lettre circonstanciée signée du responsable légal ou de l'élève lorsqu'il est majeur (sans oublier nom et prénom du candidat, classe et examen présenté, description du passé scolaire et du suivi orthophonique ou en rééducation de l'écriture de l'élève) .

2- certificat médical du médecin scolaire demandant le type d'aménagements (tiers-temps et/ou négligence de l'orthographe et/ou usage d'un ordinateur et/ou usage d'une calculatrice basique et/ou aide d'un secrétaire pour la prise de note)


3- copie du diagnostic de dysgraphie par un médecin ou par le Centre Référent des Troubles Spécifique d'Apprentissage (généralement la MDPH) ou copie d'évaluation de suivi de moins de 1an (si possible).


4- copie du PPS mis en place pour l'année en cours


5- copie de quelques devoirs


6- courrier de l'enseignant coordinateur ou de plusieurs professeurs explicitant les difficultés de l'élève et l'accompagnement dont il bénéficie et depuis combien de temps.


7- les 3 derniers bulletins trimestriels


8- courrier du proviseur attestant que les résultats du bulletin scolaire ne mentionnent pas l'existence de PPS et qu'ainsi on ne peut différentier par le bulletin les élèves TSA pris en charge, des élèves ordinaires. 



Les formulaires :

dysgraphie tiers temps examen
dysgraphie tiers temps examen


dysgraphie tiers temps examen
pour aller plus loin :

références : 
 
  • Loi 2005 – 102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances
  • Décret n°2005 – 1589 relatif à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées
  • Décret n°2005 – 1617 relatif aux aménagements des examens et concours



vendredi 28 décembre 2012

Dysgraphie : 10 idées reçues passées à la loupe


dysgraphie idées reçues

Tous les dysgraphiques écrivent mal : FAUX


Cette idée largement répandue est fausse. Certains enfants souffrant de dysgraphie écrivent très bien, trop bien même. Ils s'appliquent et écrivent terriblement lentement, sans possibilité d’accélérer. Cette dysgraphie est appelée par J. Ajurriaguerra la dysgraphie lente et précise. L'enfant écrivant bien, personne ne s'inquiète, et pourtant il souffrira rapidement de problèmes scolaires liés à sa lenteur et à la surcharge cognitive.


Tous les dysgraphiques écrivent lentement : FAUX


Cette idée est également fausse. Dans Certaines dysgraphies l'écriture est rapide,  trop rapide même. Ces dysgraphiques ne maîtrisent plus leur geste, leur écriture est illisible.


Il est facile de dire qu'un enfant est dysgraphique : FAUX


Au vu des deux points précédents, un enfant écrivant bien mais lentement peut être dysgraphique, de même qu'un enfant écrivant vite. Il est donc évidemment très difficile de poser un diagnostic de dysgraphie.
Rappelons quelques faits : le diagnostic de dysgraphie est posé par un médecin, après un bilan complet effectué par une équipe pluridisciplinaire. Le diagnostic se fait par exclusion, c'est à dire " à l'exclusion de tout trouble neurologique ". Je m'explique : Un enfant écrivant gros, lentement, sans suivre les lignes pourrai être diagnostiqué dysgraphique. Mais si on découvre chez cet enfant un problème de vue il sera alors malvoyant mais pas dysgraphique. Bref il n'est pas forcément aisé de poser un diagnostic de dysgaphie "vraie", au sens médical du terme. La bonne nouvelle c'est que le diagnostic n'est pas indispensable pour effectuer une rééducation de l'écriture.



La tenue de crayon n'a aucune importance! : FAUX


La tenue de crayon est cruciale pour obtenir une écriture efficace : fluide, lisible et sans douleur.
Du temps ou nos aïeux écrivaient à la plume, il était impossible de tenir l'outil scripteur n'importe comment, avec la main sur la ligne. 
Aujourd'hui, le stylo bille écrit bien quelle que soit la position de la main ou du stylo, on laisse donc faire. Pourtant, j'estime que pour plus de la moitié de mes patients, l'origine de leur problème d'écriture vient d'une mauvaise tenue de crayon.

La bonne tenue de crayon s'enseigne, et s'apprend.
 

Ne vous inquiétez pas , il manque un peu de maturité, c'est tout : FAUX


Pour deux de mes patients sur trois, les problèmes liés à leur dysgraphie sont apparus dès la maternelle. Pourtant, seuls 5% de mes patients consultent dès la maternelle ou le CP.
De deux choses l'une : soit le problème de dysgraphie décelé en maternelle est réel, une rééducation s'imposera, et autant l'entreprendre tout de suite. Soit le problème décelé est bénin, et le rééducateur pourra vous rassurer et vous permettre de corriger le problème d'écriture cursive en deux ou trois séances. Dans ces conditions, pourquoi attendre?



Dysgraphie un jour, dysgraphie toujours : FAUX


Heureusement, cette idée reçue est totalement fausse. La dysgraphie n'est pas une fatalité que l'on doit trainer toute sa vie. Une rééducation de l'écriture bien menée permet de résoudre les problèmes d'écriture (qu'un diagnostic de dysgraphie ait été posé ou pas) dans une immense majorité des cas, en peu de séances.
Quand un enfant (ou un adulte...) n'a pas de handicap particulier, il a tous les outils à sa disposition pour écrire  correctement. A nous de l'aider en ce sens.
Par ailleurs,et on ne le dira jamais assez,  la rééducation peut se faire à tout âge.



On apprend à écrire au CP : FAUX


L'apprentissage de l'écriture cursive commence le premier jour ou l'on tient un stylo en main (attention à la tenue de crayon chez les bébés, qui entraîne de mauvaises habitudes dont on a du mal à se débarrasser ultérieurement). Et il perdure jusqu'à l'âge adulte, quand l'écriture est enfin totalement automatisée et personnalisée.
L'année de cours préparatoire marque l'entrée dans l'écrit, c'est vrai, puisque l'on apprend à cet âge à lire et écrire, mais l'acquisition d'une écriture cursive efficiente se prépare avant et se continue bien après cette classe.


Un enfant qui écrit de la main gauche est nécessairement gaucher : FAUX


Les faux gauchers par exemple sont assez courants. De peur de contrarier l'enfant qui n'est pas encore bien  latéralisé, on le laisse prendre la main qu'il veut pour écrire, ou en changer. Forcément, si la main choisie n'est pas la main dominante, l'apprentissage de l'écriture cursive sera plus difficile.


Il écrit mal, et alors? ça ne l’empêchera pas de réussir dans la vie: VRAI ET FAUX



Certes, il n'est pas besoin d'écrire parfaitement pour réussir dans la vie. Toutefois, j'attire votre attention sur les difficultés que doivent surmonter les enfants souffrant de leur écriture.
Durant toute leur scolarité, écrire sera un clavaire. Parfois, on les traitera d'incapables ou de fainéants, et ceci n'est pas ans conséquence sur l'estime de soi. Quand vos enseignants ne peuvent plus vous lire, ni vous noter, comment continuer des études? 

Donc, il est bien vrai qu'une écriture déficiente n’empêche pas de réussir dans la vie, mais par contre cela entraîne un handicap certain au cours des études.


Un dysgraphique ne peut pas être heureux à l'école: FAUX


Pour cela, il faut que ses difficultés soient reconnues et prises en compte, et que des adaptations scolaires soient faites pour qu'il trouve sa place et puisse montrer ses compétences.
Mais il est vrai qu'aujourd'hui de trop nombreux enfants sont en souffrance avec l'écriture alors qu'on ne devrait jamais laisser un enfant souffrir à l'école.


dimanche 9 décembre 2012

La rééducation de l'écriture dans les Dernières Nouvelles d'Alsace

article DNA portrait rééducatrice écriture obernai

Les Dernières Nouvelles d'Alsace viennent de consacrer une page à mon activité de rééducation de l'écriture. Cet article est disponible sur le site des DNA, mais comme il n'est accessibles que pour un temps limité, je me permet d'en laisser une transcription ici :




Quand l’écriture fait mal

Elle n’est ni coach, ni médecin, ni enseignante. Ou un peu tout cela à la fois. Anne-Gaël Tissot,rééducatrice en écriture installée au centre socioculturel Rimbaud, suit des personnes pour qui ce geste quotidien est tout sauf simple.

Tenir le stylo entre le pouce et le majeur, écrire de façon fluide sans casser le poignet. Ces consignes, tout le monde les a entendues. Elles sont répétées par des enseignants qui n’hésitent pas à corriger des gestes imprécis ou des postures inadaptées. Seulement voila. Dans une classe de 30 élèves, difficile de repérer celui qui tient mal son crayon, celui dont le poignet est douloureux, celui qui est trop lent et décroche. Et pourtant, ils sont nombreux, ces phobiques de l’écriture, dont les devoirs sont parfois si illisibles que les professeurs ne peuvent pas les noter.

« C’est un cercle vicieux au niveau des études »

C’est pour aider ces incompris qu’Anne-Gaël Tissot, ancienne ingénieur —elle a aussi œuvré en tant que formatrice et professeur de maths — a décidé il y a un an de s’installer à son compte en tant que rééducatrice en écriture. Ses deux filles souffrent de ce genre de troubles. « Je n’avais pas de solution pour les aider, alors je me suis formée auprès d’une rééducatrice en écriture dans le Massif central. » Cette ancienne animatrice multimédia au centre socioculturel Arthur-Rimbaud y loue désormais un local, où elle assure 20 heures de séances hebdomadaires. Dans cette salle aux couleurs chatoyantes, où les murs sont recouverts de personnages de bandes dessinées, défilent quelque 70 personnes, de toute la région. Des enfants, en très grande majorité. Quelques tout-petits déjà fâchés avec le stylo, beaucoup de primaires qui commencent à se confronter aux difficultés de l’écriture, des collégiens aussi, pour qui ces troubles deviennent un réel handicap. Mais aussi des lycéens. Et de rares adultes. « Il peut s’agir de demandeurs d’emploi qui pensent être pénalisés par l’aspect de leur lettre de motivation, de chefs d’entreprise dont  la secrétaire n’arrive plus à les relire ». Et de citer le cas d’une étudiante qui s’en sortait en prenant les cours sur ordinateur mais rencontrait des problèmes lors de ses examens. Le point commun entre toutes ces personnes : « Ce sont des gens qui souffrent de dysgraphie et plus généralement de troubles liés à l’écriture : illisibilité, lenteur, douleurs. »

Dix séances maximum

La mission d’Anne-Gaël Tissot : travailler la fluidité du geste, et surtout, « le rendre automatique, car les enseignants ont beau répéter aux élèves de tenir leur stylo de telle façon, ça ne fonctionnera pas, c’est tout un processus qui passe par des exercices. » Des exercices à effectuer aussi à la maison. D’ailleurs, Anne-Gaël Tissot tient beaucoup à la présence des parents pendant les séances. « Sans eux, je ne suis rien, je suis un peu comme une coach. Ce sont eux qui font, moi, je leur donne juste les clefs. » 
DNA portrait rééducatrice écriture obernai
copyright dna 2012
Contrairement à un graphothérapeute qui suivra ses patients sur le long terme, Anne-Gaël Tissot préconise au minimum trois séances, dix tout au plus. « Je suis essentiellement des enfants, et pour eux, il faut que ça aille vite, qu’ils voient le résultat rapidement. » C’est en général dès la deuxième séance que les progrès se ressentent. 
Elle sort une tablette tactile, qu’elle utilise parfois pour faire écrire de façon plus ludique les enfants. Sur l’écran défilent de nombreux exemples de copies, avant et après la rééducation. La transformation est parfois impressionnante. À l’image de cet adolescent en classe de 3ieme qui rendait des devoirs illisibles et tâchés d’encre. « Il ne prenait pas ses cours correctement, donc ne pouvait pas bien les apprendre ni les retranscrire, et ne pouvait pas être évalué : c’est un cercle vicieux. » Anne-Gaël Tissot affiche un large sourire en montrant une copie que lui a apportée avec fierté ce même élève au bout de quelques séances : elle est impeccable. Seul problème : elle est si lisible qu’on y distingue désormais des fautes d’orthographe à chaque mot. Mais la mission de la rééducatrice, qui ne corrige que le geste, s’arrête là. Le reste est une autre histoire…
                                                                                             FANNY HOLVECK
Contact : Anne-Gaël Tissot ✆ 07 86 57 01 78.
info@sos-ecriture.fr
www.sos-ecriture.fr

lundi 26 novembre 2012

Le trait d'attaque devant les lettres rondes...

Pour avoir une écriture cursive fluide, il est essentiel que le geste d'écriture soit aussi simple que possible. Voici un petit cours vidéo pour expliquer pourquoi on ne met pas de trait d'attaque devant les lettres cursives rondes c o a d q et g.

Pour ceux qui n'auraient pas le temps de visionner l'intégralité de ce cette vidéo, en voici le résumé :

Le geste optimal pour le tracé des lettres rondes commence à droite et tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre (comme les boucles).

Un trait d'attaque ajoute une difficulté à l'écriture de la lettre
Ce trait supplémentaire ralentit l’écriture.
Par contre ce trait supplémentaire n'apporte pas plus de lisibilité.

 Si de plus ce trait d'attaque se fait sans lever le crayon, les conséquences ultérieures de ce type d'apprentissage de l'écriture au CP sont très fréquemment catastrophiques sur la lisibilité de l'écriture qui se déformera en accélérant dans les années suivantes. De nombreux cas d'écritures cataloguée comme dysgraphie ne sont en fait que le résultat d'un défaut d'apprentissage de ce geste.

En clair, en écriture cursive française, on ne met pas de trait d'attaque aux lettres rondes, qui commencent toutes à droite, et se terminent aussi à droite.

Les explications se trouvent dans la vidéo.



samedi 24 novembre 2012

L’écriture n’est pas en progrès



L'enseignement de l'écriture cursive dans les années 1880

 

L’écriture n’est pas en progrès.

enseignement écriture"L’écriture n’est pas en progrès ; il semble même qu’elle soit plutôt en décadence. Non pas qu’il n’y ait encore des écoles où l’on écrive bien et même très bien ; mais elles sont moins nombreuses qu’autrefois. Il y a surtout moins de maîtres qui soient fiers, et à juste titre, de leur belle écriture. Dans les écoles normales notamment, cette infériorité est frappante : d’où l’on pourrait inférer, sans grande témérité, que loin de s’améliorer, la situation à cet égard ira plutôt en empirant."
Cette citation pourrait provenir (au style près) de n'importe quelle publication pédagogique actuelle. Pourtant elle est extraite d'un manuel qui date des années 80. Mille huit cent quatre vingt neuf pour être précise.
Les enseignants intéressés par l'histoire de leur discipline trouveront le texte complet de cet ancien manuel sur l'enseignement de l'écriture à l'école primaire sur le site manuels anciens.
Reprendre la lecture d'un vieux manuel pédagogique d'il y a plus d'un siècle est révélateur non seulement de notre propension continuelle à nous plaindre de la dégradation de l'enseignement, mais aussi du fait que les raisons fondamentales de cette dégradation n'ont pas fondamentalement changé en cent trente ans d'école publique.
Aujourd'hui sur les nombreux cas de "dysgraphies" que j’accueille au cabinet en rééducation de l'écriture la grande majorité ne souffrent pas de problèmes cognitifs, mais ont rencontré dans leur histoire scolaire des difficultés à construire leur geste graphique face à l'enseignement de l'écriture cursive.
La plupart de ces difficultés face à l'écriture cursive étaient déjà identifiées en 1889. Voici quelques extraits qui n'ont pas pris une ride (à part la mention des châtiments corporels...) :
"
L’écriture n’est pas en progrès (...) Cet état de choses est dû à bien des causes :

Première cause : on y attache une moindre estime qu'autrefois. Pourquoi ?

1° Le mouvement actuel de la pédagogie, et il ne faut pas le regretter, est surtout favorable aux études qui ont pour objet la culture de l’esprit. On célèbre, on exalte les exercices qui tendent à la formation de l’intelligence ; on déprécie par contre l’enseignement mécanique et formel, qui ne donne que des connaissances positives et pratiques. Or écrire est un acte tout matériel; c’est dessiner, c’est peindre, uniquement en vue d’obtenir une ressemblance. Il n’y a rien là qui puisse éveiller l’esprit ni le former. Par suite, il s’est attaché à l’écriture une sorte de déconsidération, à tout le moins de moindre estime. Ceci est particulièrement vrai des écoles normales, et des écoles normales de filles plus encore que des écoles normales de garçons. On n’y choisit point, pour lui confier l’enseignement de l’écriture, le maître qui a le plus de goût ou d’aptitude pour cet enseignement; mais on en charge celui qui est le moins capable d’enseigner autre chose. Nous admettrons toutes les exceptions qu’on voudra ; mais le fait dans sa généralité est incontestable. De là, à tous les degrés de l’échelle, un moindre soin donné à l’écriture, et, dans les écoles primaires, un moindre temps consacré à cet exercice; ce qui s’alliait fort bien, du reste, avec l’obligation où l’on était d’en donner davantage aux autres matières du programme.

Deuxième cause : l'enseignement simultané a trop remplacé l'enseignement individuel.

2° On a substitué en écriture, comme dans toutes les autres branches du programme, l’enseignement collectif à l’enseignement individuel, et, d’une manière générale, on a bien fait. Peut-être pourtant l’application du principe comportait-elle ici quelque restriction. L’expérience montre, en effet, qu’il ne suffit pas d’apprendre à l’enfant ce qu’il lui faut savoir pour bien écrire, mais qu’il a besoin encore de pratiquer sous les yeux du maître et d’être averti des fautes dans lesquelles il tombe. Apprendre à écrire, c’est contracter un ensemble d’habitudes ; or on sait que l’habitude a pour effet de nous faire accomplir toujours de la même manière, et sans que nous y prenions garde, ce que nous avons déjà accompli un grand nombre de fois. Si donc un enfant a pris en écrivant de mauvaises habitudes (et elles sont nombreuses celles auxquelles il peut se laisser aller), il retombera indéfiniment dans les mêmes fautes et formera toujours mal les mêmes lettres, jusqu’à ce que le maître l’arrête en lui faisant remarquer ce que son écriture a de défectueux, et jusqu’à ce que, par une surveillance assidue et prolongée, il soit parvenu à lui faire contracter une habitude contraire. L’action personnelle du maître est ici indispensable pour chaque élève, et la leçon commune a besoin d’être journellement complétée par des corrections et des remontrances individuelles.

Troisième cause : les occasions de mal écrire sont devenues plus fréquentes qu'autrefois.

3° Les occasions de mal écrire sont devenues plus fréquentes qu’autrefois. Dans les écoles primaires, on n’inflige plus de punitions corporelles : elles sont interdites par le règlement ; mais en revanche on donne des pensums. S’ils étaient courts et si le maître exigeait qu’ils fussent bien faits, ils pourraient dans une certaine mesure remplacer les mises au net d’autrefois, qui ne sont pas à regretter, mais qui amélioraient l’écriture courante. Seulement il faudrait alors les corriger et le maître n’en a pas le temps ni n’en veut prendre la peine. D’autre part, il est toujours difficile de prouver à un élève qu’il aurait pu mieux écrire, et l’on trouve plus commode de vérifier si le pensum a le nombre de lignes qu’il doit avoir. Or rien n’est plus propre à déformer la main de l’enfant et à lui faire contracter de mauvaises habitudes, que la confection de ces longues pages où il ne songe qu’à aller vite et à arriver le plus tôt possible à la fin de sa tâche. Il en est de même presque de ces devoirs qui sont faits en dehors de la classe, à la maison, sans aucune direction ni surveillance, que les maîtres regardent à peine et pour lesquels il n’y a en classe qu’une correction générale. Enfin, dans les écoles normales, l’habitude est aujourd’hui que les maîtres, sur chaque matière, fassent des leçons orales et que les élèves prennent des notes. Or on sait ce que c’est que « prendre des notes ». Pour beaucoup d’élèves, c’est tâcher de prendre mot pour mot ce que dit le maître, c’est-à-dire écrire le plus vite possible et avoir recours à toutes sortes de simplifications et d’abréviations qui puissent remplacer en partie la sténographie. Il n’y a pas de bonne écriture qui puisse tenir à ce régime : forcément elle se déforme et la main prend de mauvaises habitudes. Il en résulte qu’on sait encore faire une page à main posée, le jour de l’examen, parce que c’est un exercice tout autre ; mais l’écriture courante reste mauvaise. Autrefois, la plupart des maîtres rédigeaient leur cours; les élèves les copiaient à main posée et à loisir, et ils mettaient leur amour-propre à avoir sur chaque matière de beaux cahiers bien écrits, qu’ils gardaient avec soin. Il n’y a pas à regretter que cette pratique ait entièrement disparu, mais l’écriture courante y a certainement perdu.

Quatrième cause : l'anarchie dans les principes et les méthodes.

4° Enfin, tandis que dans toutes les autres matières il y a des principes sur lesquels on est d’accord, il règne en écriture une grande incertitude, et sur le genre qu’il convient d’adopter, et sur la manière dont il faut l’enseigner. Sans doute les méthodes ne manquent pas et presque toutes débutent par le calque, la pente, la longueur et la distance des lettres, pour finir par des modèles à imiter. Toutes aussi ont la prétention d’être méthodiques et de commencer par ce qu’il y a de plus simple, pour arriver progressivement à ce qu’il y a de plus compliqué et de plus difficile : d’abord le jambage, le trait droit, qui mène à l’i et au groupe des lettres qui en dérivent, u, t, n, m, etc. ; puis les traits arrondis et les lettres ovales, c, o, a, d, q, etc. ; puis les lettres bouclées l, b, g, etc. ; avec des règles pour la grandeur des boucles et les corps d’écriture ; enfin elles portent généralement, sur la couverture des Cahiers préparés à l’usage des élèves, des conseils relatifs à la tenue du corps, du cahier et de la plume. Malheureusement, il n’y a sur aucun de ces points rien qui soit uniforme ni bien défini. Pas de vues générales, pas de principes fixes sur lesquels on puisse s’appuyer pour déterminer le caractère de l’écriture réputée la meilleure. Chacun suit son idée personnelle, qui n’est le plus souvent qu’un pur caprice.
Rien de plus variable, par exemple, que la pente qu’on doit lui donner. Dans Werdet, à qui nous devons le plus ancien type de l’écriture anglaise, la pente est la diagonale d’un rectangle ayant 3 de base et 4 de hauteur. Chez Taiclet, Taupier, Colombol, etc., qui sont venus après et qui sans doute la trouvaient insuffisante, elle devient la diagonale du carré. Flament, au contraire, la trouve trop grande et n’en fait que la diagonale d’un rectangle qui aurait toujours 3 de base, comme dans Werdet, mais 5 de haut au lieu de 4. Puis viennent les hygiénistes qui demandent, non sans raison, que l’écriture soit droite et qu’elle se rapproche le plus possible des caractères imprimés. Or cette question de la pente a son importance. A mesure qu’elle augmente en effet, les rondeurs diminuent, et les liaisons, au lieu de partir du milieu du jambage, par exemple, partent du pied même du jambage. Alors l’écriture devient plus rapide, mais elle est moins lisible. Si l’on joint à cela les variations que chacun peut faire subir à une même lettre, les deux formes qu’on lui donne parfois selon qu’elle est au milieu ou à la fin d’un mot, les fioritures et les enjolivements de toute nature imaginés par les caprices individuels, on conviendra sans doute qu’il règne en la matière l’anarchie la plus complète.
Pour n’en citer qu’un exemple, qu’on veuille bien seulement remarquer les formes du d. Il y a déjà deux formes généralement admises, selon qu’on écrit l’anglaise ou l’ancienne coulée reprise par M. Flament, d et  ; mais pour peu que le d de l’anglaise s’écrive vite et que le jambage se sépare de l’o, il devient une sorte d’ majuscule. Quant à l’autre forme du , qui doit avoir sa boucle à gauche, l’habitude se propage depuis quelques années, surtout dans les écoles de filles, de la faire à droite. Rien à coup sûr ne s’oppose à ce qu’elle se fasse à droite aussi bien qu’à gauche, puisque les Grecs la faisaient à droite dans leur delta, δ ; mais il faudrait alors que tout le monde la fît à droite. D’autres la font bien à gauche, mais ils la font double, à deux étages superposés,. Des observations analogues seraient à faire sur le t, sur l’s, sur l’x, sur l’f, sur le point qui surmonte l’i et qu’on fait en forme de fouet . Quand une lettre peut s’écrire de deux ou trois manières différentes, ce n’est plus une lettre, mais deux ou trois lettres qu’il faut apprendre pour représenter le même son, sans compter que plus les formes des lettres se diversifient, moins l’écriture devient lisible et compréhensible.

Caractères que doit posséder l’écriture pour être bien lisible.


Serait-il donc si difficile de bien définir l’objet qu’on doit se proposer en écrivant ? On n’écrit, ce semble, que pour matérialiser en quelque sorte et fixer le son fugitif de la parole, pour le rendre transmissible à travers le temps et l’espace ; en d’autres termes, on n’écrit que pour être lu. Dès lors la meilleure écriture n’est-elle pas tout simplement celle qui est la plus lisible ? Or les caractères qui peuvent rendre l’écriture lisible ne paraissent pas bien difficiles à déterminer.
Il faut d’abord qu’elle soit suffisamment grosse, pour ne pas fatiguer les yeux. Ce point est de première importance : il n’y a pas de beauté ni d’élégance qui puisse compenser les inconvénients d’une écriture microscopique.
Il faut ensuite que chaque lettre soit bien formée et bien arrondie. Si les boucles sont remplacées par des traits, les vides par des pleins, des lettres tout entières par de simples points, il n’y a plus d’écriture, à proprement parler. C’est de la sténographie hiéroglyphique, imaginée par le caprice d’un individu et dont il impose la fastidieuse étude à ceux qui sont obligés de le lire.
Que ces deux conditions soient remplies et l’écriture sera lisible. Si de plus elle garde toujours entre les lettres une juste proportion, au point de vue de leur grandeur, des intervalles qui les séparent, de la pente à leur donner, elle sera régulière.
Si enfin elle n’admet ni fioritures, ni enjolivements propres seulement à l’embrouiller, elle sera nette et correcte ; elle aura dans sa simplicité même sa principale beauté.
Ne rien omettre en écrivant de ce qui peut contribuer à rendre l’écriture lisible ; n’y rien ajouter qui soit inutile et de pur ornement. Telle est la double règle dont les faiseurs de méthodes ne devraient jamais se départir. L’écriture, au moins à l’école primaire élémentaire, n’est pas une œuvre d’art ; elle doit être une peinture des sons aussi exacte que possible ; tout ce qu’on lui demande en plus est du luxe et du superflu.

(...)

Conclusion. Nécessité d'une réforme dans l’enseignement de l'écriture et aussi dans les mœurs publiques.


Ce sont des minuties, dira-t-on. Oui; mais c’est dans l’observation de ces minuties que consiste en grande partie l’art d’apprendre à écrire et la garantie du succès. L’écriture n’est plus en honneur dans l’enseignement primaire, et jamais pourtant on n’a tant écrit, jamais il n’a été aussi nécessaire qu’on écrivît bien. On ne peut songer à augmenter le temps qui lui est consacré à l’école; mais ce temps pourrait être mieux employé, les résultats ne sont pas en rapport avec les facilités mises à la disposition des maîtres.
Il faudrait que ceux-ci y donnassent plus de soin et que leur surveillance s’étendît à la confection des devoirs autres que la page d’écriture. Il faudrait enfin que l’attention des pouvoirs publics eux-mêmes fût ramenée sur cette partie essentielle, en somme, des études primaires, et que ceux qui devraient donner l’exemple d’une belle écriture ne se fissent pas gloire d’avoir une signature illisible. Une réforme dans les habitudes et dans les mœurs ne serait pas moins nécessaire que dans l’enseignement."
Ne rien omettre en écrivant de ce qui peut contribuer à rendre l’écriture lisible ; n’y rien ajouter qui soit inutile et de pur ornement. Telle est la double règle dont les faiseurs de méthodes ne devraient jamais se départir... En 2012 cela reste aussi vrai pour l'enseignement de l'écriture cursive qu'en 1889.

lundi 29 octobre 2012

Chronique de l'écriture cursive : l'écriture cursive scolaire au XXieme siècle

  Écritures cursives scolaires en France au XXe siècle

Au XXième Siècle, avec l'instruction généralisée, la définition des styles d'écriture quitte le domaine de l'académisme pour devenir l'affaire des enseignants, c'est-à-dire de leurs autorités de tutelle. Les Instructions de 1945 pour l'école primaire française prévoient l'apprentissage de l'écriture cursive, l'anglaise, et d'une écriture script (dite parfois technique). En fin d'études primaires, les élèves qui n'entrent pas en sixième au lycée doivent aussi apprendre la ronde.



L'écriture cursive ronde


rondes
plumes de ronde
L'écriture ronde s'exécute avec des plumes spéciales dont l'extrémité des becs présente une largeur variable. Pour écrire convenablement la ronde, on doit systématiquement effectuer les traits en descendant. Ainsi l'exécution d'un o nécessite deux traits. L’exécution de la lettre u nécessite de lever la plume entre les deux traits.  Bien que toutes les lettres soient attachées, cette écriture de calligraphie ne permet pas un geste rapide. Très en vogue dans la première moitié du XXième siècle son usage va disparaitre en même temps que celui des plumes.



alphabet écriture cursive ronde






écriture cursive anglaise

L'écriture cursive, appelée anglaise en France et round hand outre-Manche, est une écriture liée. Elle est issue des écritures bâtardes de la Renaissance italienne revues par les maîtres calligraphes – en France, aux Pays-Bas et en Angleterre (notamment George Bickham [1684-1758] dans son ouvrage The Universal Penman). Cette écriture se propage dès la première moitié du XIXe siècle en France en liaison avec les échanges commerciaux.

L'anglaise est réalisée normalement penchée, avec une plume fine, dont les marques les plus répandues en France ont été la Sergent-Major et la Gauloise.

écriture cursive française

Voici comment elle est présentée sous le nom précis d' "anglaise expédiée ou cursive" dans le Cours de calligraphie  M. Gorce (1926). Cette description de l'écriture cursive est extrêmement normative et n'est pas à rendre au pied de la lettre mais est un bon référentiel historique:
"Ce genre d'écriture est penché et sa pente est déterminée par la diagonale d'un rectangle dont la base est des 4/5 de sa hauteur. […] Les lettres de l'écriture cursive ont une largeur d'un corps, c'est-à-dire que pour les lettres droites, comme n par exemple, l'espace entre les jambages est égal à leur hauteur et pour les lettres rondes (o), l'ovale est inscrit dans un carré ayant comme côté la hauteur du corps d'écriture. / Cette règle s'applique à toutes les minuscules sauf m, w et x dont la largeur est de 2 corps, et r qui n'a que 1/2 corps de largeur. / La hauteur des lettres majuscules est de 3 corps 1/2 ; la forme des courbes dont elles sont composées se rapproche d'un ovale dont la hauteur est le double de la largeur. (...) L'espace entre 2 lettres droites est de 1 corps, entre 2 lettres rondes de 3/4 de corps et entre 2 mots de 3 corps."

C'est cette écriture cursive anglaise qui est à l'origine de notre écriture cursive scolaire française actuelle, avec laquelle tant de mes patients sont fâchés.

écriture script

L'écriture dite "script" se distingue de l'écriture cursive par le fait que toutes les lettres sont détachées les unes des autres. Elle correspond approximativement aux polices de caractères actuelles sans empattements. Après avoir été proposée dans l'enseignement français dans les années 50 parce qu' elle est "adaptée à la plume du stylo et à la petite bille d'acier qui tracent les signes de l'écriture sans pleins ni déliés" (Echard & Auxemery 1949), son apprentissage est progressivement abandonné en France au profit de l'écriture cursive.

Au Quebec, les enseignements des deux styles d'écriture, cursive et script perdurent, avec comme justification que l'enseignement de l'écriture scripte favoriserait les capacités de lecture. Dans la pratique de nombreuses études montrent qu'il n'en est rien.


retour à :

l'écriture cursive romaine
l'écriture cursive au moyen âge
l'écriture à la renaissance : imprimerie et plume d'oie 
l'écriture cursive au temps des encyclopédistes

pour aller plus loin :

écriture cursive, écriture scripte, quels avantages?



Références bibliographiques
Cours de calligraphie. Professeur : M. Gorce. 16e édition. Paris : Ecole spéciale des travaux publics, 1926.
Echard, R. & Auxemery, F., 1949. Méthode moderne d'écriture. Anglaise, script. Paris : Magnard.
Mediavilla, Claude, 1993. Calligraphie. Du signe calligraphié à la peinture abstraite. Paris : Imprimerie nationale.
Mediavilla, Claude, 2006. Histoire de la calligraphie française. Paris : Albin Michel.

remerciement à j.poitou pour son travail documentaire : http://j.poitou.free.fr/pro/html/ltn/manus-a.html

Chroniques de l'écriture cursive : les manuscrits du moyen âge


écriture manuscrite au moyen-âgeContinuons notre recherche de la genèse de l'écriture cursive scolaire. Au moyenge, l'alphabet latin utilisé dans toute la chrétienté subit de nombreuses évolutions par rapport à l'usage qu'en faisait les romains.

 Une nouvelle écriture cursive

L'écriture cursive romaine évolue à partir des IIIe et IVe siècles : écriture rapide, avec une tendance à la liaison entre les lettres, avec des jambages inférieurs et supérieurs. C'est l'ancêtre des écritures cursives variées qui se développeront dans les siècles suivants et aboutiront, au VIIIe siècle, à la minuscule caroline.
manuscritsaint avit écriture cursive 4ième siècle
Saint-Avit, évêque de Vienne, VIe siècle. Paris, BnF. Source : Steffens 1910 : pl. 27.
L'onciale 

L'onciale dérive des lettres capitales romaines utilisées dans l'écriture monumentale. Elle se distingue des capitales antérieures (quadrata, rustica) entre autres par l'inégale hauteur des lettres, avec l'apparition de jambages inférieurs et supérieurs que nous conserverons pour les lettres d p q. Elle commence à être utilisée au IIIe ou IVe siècle et perdure jusqu'au IXe siècle.
onciale cursive
Codex Victor. VIe siècle. Fulda, Landesbibliothek. Source : Steffens 1910 : pl. 21

La minuscule caroline

La minuscule caroline a été conçue à l'époque de Charlemagne, dans le cadre du renouveau de la vie intellectuelle impulsé par l'empereur. Elle est issue de modifications des écritures cursives antérieures. Elle se caractérise par le fait que les lettres sont détachées les unes des autres et par la régularité de leurs formes. Elle a été utilisée d'abord dans le Palatinat (région d'Aix-la-Chapelle), mais elle s'est rapidement répandue ensuite dans d'autres régions de l'empire de Charlemagne.
C'est la minuscule caroline qui constituera, quelques siècles plus tard, avec les capitales monumentales, la base de l'écriture humanistique adoptée dans la majeure partie de l'Europe pour les textes imprimés.
minuscule cursive caroline
Bible d'Alcvin, Zürich, Kantonsbibliothek, vers 800. Source : Steffens 1910 : pl. 47.
 Les caractères de notre écriture cursive française vont commencer à se structurer à partir de cette période.  

Vers la fin du XIième siècle, l'écriture minuscule caroline se transforme d'une manière sensible : les lettres devinrent généralement plus droites et plus serrées, et prirent, dans les diplômes principalement, des traits allongés et sinueux. Dans cette seconde période, elle prend le nom de minuscule capétienne. Vers la fin du XIIesiècle, elle s’altère, devient anguleuse, plus serrée, moins régulière. Elle ne fut presque plus en usage dans les actes de toute espèce après le commencement du XIIIe. Au XVIe siècle elle reparaît dans toute sa pureté sur ces beaux manuscrits italiens, qui ont servi de modèles à nos caractères typographiques.  

Ce sera la source ou les maîtres calligraphes viendront puiser.


épisode suivant : plume d'oie et imprimerie à la renaissance 
épisode précédent : la cursive romaine


Références bibliographiques

Higounet, Charles, 2003. L'écriture. 11e édition. Paris : PUF. Que sais-je p 653.
Steffens, Franz, 1910. Paléographie latine.  Paris
          Remerciements à J. Poitou pour son travail documentaire

Chroniques de l'écriture cursive : aux temps des encyclopédistes

Diderot écriture encyclopédie
Diderot écrivant


A dater de la fin du XVième siècle, la science scripturale, qui avait atteint des sommets d'académisme avec les manuscrits du moyen age, décline en France. Il n'y a plus de norme de référence pour l'écriture cursive. La confusion des styles va devenir telle au XVIIieme siècle, qu'il devient très difficile de déchiffrer les écritures de cette époque.

 

 

 

 

 

 

L'écriture cursive au temps des encyclopédistes 


L'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert distingue trois types d'écritures cursives, qui ont leurs racines dans les écritures italiennes cursives des XVe et XVIe siècles.
La bâtardeest une écriture à peu près droite; c'est la plus lisible de toutes. La couléeest une écriture liée, penchée vers la droite, et dont les déliés joignent les traits ou le corps de la lettre, en partant de bas en haut. L'anglaise, écriture manuscrite plus inclinée encore, a de l'élégance et de la légèreté.
écriture cursive encyclopédie
écriture cursive bâtarde
écriture cursive encyclopédie
écriture cursive coulée
écriture cursive encyclopédie
écriture cursive ronde

L'académie d'écriture

Au XVIIIe siècle, il a existé en France une Académie d'écriture, bientôt transformée en un Bureau académique d'écriture, puis en Société académique d'écriture. Son rôle était complémentaire de celui de l'Académie française, dans le domaine spécifique de l'écriture.

Voici ce qu'en dit le Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs (Hurtaut & Magny 1779 : 200-201) :
"L'Erection des Ecrivains-Jurés-Experts-Vérificateurs en Corps de Communauté, est du règne de Charles-IX. Un Faussaire, que la Justice avait fait punir en 1569, pour avoir contrefait la signature de ce Prince, donna lieu à cette Erection, sous la protection du Chancelier de l'Hôpital, qui leur obtint, l'année suivante, des Lettres-Patentes, qui les qualifient de Maîtres-Jurés-Ecrivains-Experts-Vérificateurs d'Ecritures contestées en Justice."
En 1727, Louis XV érige ladite Communauté en Académie, mais sa séance d'ouverture n'a lieu qu'en 1762. Cette Académie royale d'écriture est composée d'un directeur, d'un secrétaire, d'un chancelier, d'un garde des archives perpétuel et de quatre professeurs, assistés chacun d'un adjoint, qui professent l'écriture, le calcul, les vérifications et la grammaire.
En 1779, cette académie d'expert en écriture est transformée par lettres-patentes de Louis XVI en Bureau académique d'écriture. Et dans un plaidoyer adressé par le Bureau à l'Assemblée nationale en 1791, ses membres précisent l'intérêt de leur fonction :
"Indépendamment de la vérification des écritures dont il s'occupe de la perfection, cet institut est chargé de celle des caractères alphabétiques, dont la simplicité et l'uniformité sont nécessaires. Nul doute que s'il n'y a pas, sur cet art important, une société légale occupée de la conservation des caractères, qui, étant le point de ralliement, puisse conserver à la nation l'avantage qu'elle a en cela sur les autres, les mains légères, disposées à ajouter aux lettres des traits étrangers, conduiroient insensiblement à l'illisibilité des écritures, ainsi qu'il est déjà arrivé au commencement du dix-septième siècle." (Pétition à l'Assemblée nationale)

C'est notre spécificité bien française de développer des académies qui vont donc stabiliser les formes de l'écriture cursive française.


Episode précédent : l'écriture cursive au Moyen Age  
Episode suivant : l'écriture cursive scolaire au XXieme siècle


Chroniques de l'écriture cursive : la cursive romaine

Pour retrouver la trace de notre écriture cursive scolaire, nous allons retourner aux origine de notre alphabet latin.

A l'origine de nos lettres cursive : l'alphabet  latin

 

Dans ses plus anciennes formes, (VIIe s. avant notre ère), l'alphabet latin était constitué de 20 lettres :
 
old-latin

Cet alphabet est dérivé de l'alphabet grec occidental, probablement emprunté par l'intermédiaire de l'alphabet étrusque. Certaines de nos lettres actuelles G, J, U n'existent pas encore, et ne seront ajouté que plus tardivement à l'alphabet latin.


L'écriture cursive romaine


Comme dans tous les civilisation où l'instruction était répandue et la production d' écritures relativement commune, une forme cursive de cet alphabet s'est développée pour permettre la transcription rapide des écrits.

L'écriture cursive romaine se distingue en ce que les lettres sont liées ensemble; il est difficile de dire où une lettre finit, où une autre commence; d'ailleurs, dans leur union, les lettres se transforment. Aussi est-il impossible de se rendre un compte exact de cette écriture par l'alphabet qu'on en dresserait; la paléographie doit l'étudier dans son ensemble, sur les originaux.


cursiva
Contrat de vente sur papyrus, IIe siècle, extrait. Londres, British Museum. Source : Steffens 1910 : pl. 9.  
(remerciement à Jacques Poitou pour son site language écriture typographie )



Les Romains utilisaient plusieurs styles d’écritures : la capitale romaine, la quadrata, la rustica, la cursive. Cette dernière était utilisée comme écriture courante pour les lettres, factures, documents commerciaux ou administratifs, les œuvres politiques et littéraires. A l'époque les outils : stylet, pinceau, plume pointue sont utilisés sur des supports comme le papyrus, la cire, le bois. 

Inspiré par la capitale romaine le tracé plus rapide de la cursive entraîne naturellement la simplification des formes et une réduction du nombre de traits de chaque lettre. 

Evolution de l'écriture cursive romaine


Les outils utilisés ont peu à peu modifié l'écriture cursive des lettres. Les pleins et les déliés sont moins contrastés que ceux de la capitale. On voit apparaître des traits ascendants et descendants sur certaines lettres. Petit à petit, les lettres majuscules et minuscules cursives se différencient. L'écriture cursive « primitive », du Ier siècle avant J.-C. est encore toute en capitale tandis que l'écriture cursive dite « récente », datant du IVe siècle après J.-C. a évolué en minuscule. C’est une écriture complètement liée, c’est à dire que certaines lettres sont attachées entre elles naturellement, du fait de la rapidité du tracé.


On retrouve déjà les formes de graphie que nous connaissons aujourd'hui pour les lettres rondes : a, d

A l’origine des onciales

La variété des supports et des outils utilisés pour l’écriture de la cursive romaine, à travers les temps, ont contribué à son évolution et l’ont amené à devenir en différents pays, la matrice de nouveaux types de calligraphie : de l’onciale, la semi-onciale ancienne et récente jusqu’à la minuscule caroline.

Cette écriture cursive romaine va être à l'origine des transcriptions utilisées ultérieurement dans les manuscrits du moyen age. Nous sommes encore loin de notre  écriture cursive avec ses boucles sur lignages seyes, mais nous allons nous en approcher.


voir l'écriture cursive au temps des manuscrits du moyen âge


Historique de l'écriture cursive en France

 D'où viennent les formes de notre écriture cursive?


écriture cursive ancienne
Aujourd'hui en tant que rééducatrice de l'écriture, je me fais plaisir en vous proposant un petit résumé historique des formes d'écritures cursives utilisées en France. Il faut savoir qu'il y a bien des manières de retranscrire en écriture manuscrite notre alphabet latin.

Pour ce petit voyage dans le temps, nous allons revenir à l'origine de cet alphabet latin, et à l'écriture cursive romaine. Puis nous ferons un détour par l'écriture cursive au temps des manuscrits du moyen âge, avant de s’intéresser aux premiers académiciens qui ont fixé les formes de l'écriture cursive, du temps de l'encyclopédie. Enfin nous reverrons comment au 20ieme siècle, l'écriture cursive exigée à l'école a évolué avec l'innovation technique du stylo.

La visite commence ici


Ci-dessous la généalogie des écritures latines établie par Catich (1968)

écritures cursives romaine à caroline


voir aussi :

jeudi 25 octobre 2012

L'écriture cursive, l'écriture script : quels avantages ?

écriture cursive, écriture scripte

crayon cahier scripte cursive
L'écriture cursive et l'écriture scripte sont les deux formes les plus courantes d'écriture scolaire. Apprendre à écrire en cursif comme en script nécessite des compétences motrices équivalentes. L'écriture cursive a pour avantage principal la vitesse d'écriture bien plus élevée car le mouvement comporte beaucoup moins de levées du crayon avec des lettres liées. En France, l'apprentissage de l'écriture ne se fait qu'en cursif, avec notre fameux lignage seyes.

Au Québec, la communauté pédagogique a longtemps considéré qu'apprendre à écrire en script avait l'avantage de mieux préparer à la lecture (l'écriture cursive étant plus éloignée des caractères minuscules d'imprimerie), et il y a dans ce pays une longue tradition de double enseignement des styles d'écriture : les écoles enseignent soit l'écriture cursive soit l'écriture scripte.

Apprendre l'écriture cursive : un impact sur la lecture?

Comme les caractères de l'écriture cursive sont éloignés des caractères d'imprimerie, on s'est longtemps demandé si apprendre à écrire en cursive est pénalisant pour les apprentissages scolaires. En fait de nombreuses études montrent qu'il n'y a pas de désavantage à apprendre l'écriture cursive.
D'après l'étude de l'université de Sherbrooke, publiée dans les nouveaux cahiers de la recherche en éducation, les enfants ont des résultats similaires en lecture qu'ils apprennent l'écriture cursive ou l'écriture script. Celà rejoint les études d'imagerie cérébrales qui montrent que des zones du cerveau similaires sont activées durant la lecture et l'écriture, indépendamment de la forme des caractères. les zones cérébrales qui exécutent les mouvements de l'écriture cursive et sentent les tensions musculaires résultant du mouvement, sont mises en œuvre automatiquement lorsqu'on lit.

Si on devait chercher un impact de la pédagogie de l'écriture sur l'apprentissage de la lecture, l'usage du clavier à la place du stylo a sans doute une importance plus notable que le choix de l'écriture cursive ou scripte.
Pour aller plus loin :


mardi 18 septembre 2012

Journée des Dys à Strasbourg, 6ème édition

Le 6 octobre 2012, aura lieu à Strasbourg la 6ème édition de la journée des dys.

Thématique de cette année : la prévention des troubles Dys.

 Au programme, conférences, ateliers, rencontres, échanges entre professionnels et avec les professionnels.

Si le problème des dys vous concerne, c'est la journée à ne pas manquer : j'y tiendrai un stand sur la dysgraphie et la rééducation de l'écriture cursive, et serai à votre disposition.

 Les conférences sont déjà complètes, mais il sera peut être possible d'avoir des places au dernier moment en cas de désistements.



Le site web officiel de la manifestation : http://jdd2012.free.fr/accueil/index.html

Au plaisir de vous rencontrer le 06 octobre