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mercredi 21 décembre 2011

Les gauchers et l'écriture

L'ecriture des gauchers et la dysgraphie"
rééducation écriture gaucherPour écrire, il est net que chacun a une main préférée pour la tenue de son stylo. La majorité utilise sa main droite, tandis qu'une minorité utilise la main gauche : ce sont les gauchers.

Même si notre modèle d'écriture se déroule de la gauche vers la droite et que la main gauche n'est pas la plus favorable pour écrire de gauche à droite comme dans notre écriture, il n'y a pas de raison particulière pour que les gauchers souffrent plus de dysgraphie que les droitiers.
Contrairement aux idées reçues, répandue en maternelle et en CP, un gaucher tenant correctement son stylo ne cache pas son écriture avec sa main, et peut voir ce qu'il écrit. La main, qui devrait se trouver sous la ligne d'écriture, n'a pas de raisons d'étaler l'encre déposée sur le papier.

Suivant ce constat, que faire pour que les élèves gauchers apprennent à écrire dans les meilleures conditions?
Première chose, un enfant gaucher a le droit d'écrire de la main gauche. Encore faut-il être sur qu'il soit vraiment gaucher, ce qui est beaucoup moins évident qu'il n'y paraît, même pour des spécialistes en graphothérapie. Il est donc utile, pour tout enfant gaucher en difficulté avec l'écriture, de procéder à un test de latéralité.
Si par le passé on contrariait les gauchers au CP pour qu'ils écrivent de la main droite, on ne reprend aujourd'hui plus jamais un enfant qui écrit de la main gauche, même s'il utilise sa main droite pour tout autre geste de la vie courante. Bien évidemment, si tout le monde a la capacité d'écrire avec l'une ou l'autre de ses mains, il bien plus facile d'écrire avec sa main dominante, et les enfants qui n'écrivent pas avec leur "bonne main" -quelle qu'en soit la raison- ont besoin de plus de temps pour écrire correctement et ont plus de risques d'être dysgraphiques.

Si l'enfant s'avère être un vrai gaucher, il faut lui apprendre à utiliser au mieux sa main dominante et à adopter la meilleure position possible pour écrire. Dans le cas contraire, s'il n'est pas réellement gaucher ou si un doute persiste, il est utile d'aider l'enfant à écrire de la main droite également, afin de lui permettre de choisir au final la main qui lui sera la plus favorable.

Conseils de bon sens, et ce qu'il ne faut pas faire :
  • Ne pas laisser un jeune gaucher prendre de mauvaises habitudes : sa main doit rester dans l'axe de son bras. Ces habitudes doivent être mise en place dés l'apprentissage de l'écriture en maternelle et au CP.
  • Ne pas lui demander de mettre sa feuille bien droite. Au contraire, il faut lui demander d'incliner sa feuille dans l'axe du bras qui écrit, voire même un peu plus encore. 
  • Ne pas lui imposer de mettre sa feuille bien devant lui. Lui expliquer de mettre sa feuille légèrement sur sa gauche. En effet, quand le gaucher écrit, son bras se rapproche de son corps, ce qui bloque le geste. Déplacer la feuille à gauche permet de gagner un peu d'amplitude de mouvement.
  • Ne pas mettre le gaucher à droite d'une table, mais à gauche, afin qu'il ne soit pas gêné par son voisin.
  • Ne pas le laisser tenir son crayon n'importe comment : la tenue du crayon est la même pour un gaucher que pour un droitier. Le crayon doit être tenu entre le pouce et la première articulation du majeur, l'index reposant souplement sur le crayon. La main doit être bien sous la ligne d'écriture.
  • Ne jamais forcer l'enfant. On n'apprend pas à tenir son crayon correctement par la contrainte. La bonne position est adoptée parce qu'elle est justement bonne, confortable et efficace. En cas de souci  persistant avec la tenue de crayon, mieux vaut faire appel à un rééducateur en écriture qui par son expérience et sa position d'intervenant extérieur sera en mesure d'agir efficacement et rapidement sans forcer l'enfant.
ecriture gaucher sans dysgraphie
Bonne position d'apprentissage de l'écriture pour un enfant gaucher


Pour aller plus loin sur ce sujet :

Bibliographie :
  • Ajuriaguerra : Les gauchers - PUF, 1963
  • Auzias : Enfants gauchers, enfants droitiers - Delachaux 1975
  • Azemar G : La latéralité chez l’enfant et l’adolescent - Editions universitaires, Paris, 1969
  • Cady S : Latéralité et image du corps - Paidos, 1988
  • Calza A et Contant M : L’unité psychosomatique en psychomotricité - Collection Psycho- thérapies Corporelles, Masson, 1989
  • Dailly R Moscato M : Latéralisation et latéralité chez l’enfant, Mardago, Bruxelles, 1984
  • Dolto F : L’image inconsciente du corps - Seuil, 1984
  • Dupasquier M.A : Les gauchers du bon côté - Hachette, Paris, 1987
  • Fagard J. : Développement des habiletés de l ’enfant : coordination bimanuelle et latéralité.
    Paris, CNRS éditions, 2001
  • Fritsch W : La gauche et la droite, vérités et illusions du miroir - Flammarion, 1967
  • Gardner M : L’univers ambidextre - Seuil, Paris, 1985
  • Gribenski A : La posture et l’équilibration - PUF, 1973
  • Haag G : La mère et le bébé dans les deux moitiés du corps - Revue de Neuropsychiatrie de
    l’enfance, 33, 1985
  • Hatwell Y : Toucher l’espace - Presses Universitaires de Lille 1986
  • Hecaen H : La dominance cérébrale. Une anthologie - Paris, Mouton, 1978
  • Le Boulch J : Vers une science du mouvement humain - Introduction à la psychocinétique -
    ESF 1982
  • Lurçat L : L’enfant et l’espace - PUF, 1973
  • Marrion J : L’organisation générale de la motricité - La revue du praticien, Paris 59, 1980.
  • Sami Ali : Corps réel - corps imaginaire - DUNOD 1984
  • Sami Ali : Le corps, l’espace et le temps - Dunod 1990 

jeudi 15 décembre 2011

Près de la moitié des précoces sont dysgraphiques

écriture cursive dysgraphie
Les liens entre précocité et dysgraphie ont fait l'objet de nombreuses observations classiques, que ce soit de la part des enseignants, des parents ou des rééducateurs. On peut se poser la question si ces observations reflètent une réalité. L'image du "surdoué" brillant que véhicule l'imaginaire collectif a du mal à cadrer avec les difficultés d'écriture...

Il existe peu d'études scientifiques sur ce sujet, et les différentes hypothèses qui ont été avancées sur les troubles d'écriture des enfants intellectuellement précoces ont rarement été validées. Néanmoins la fréquence de ces troubles a été étudiée, et il apparaît que :

50% des enfants précoces souffrent de dysgraphie


Parmi ces (trop rares) études je recommande la lecture de cet article scientifique paru dans "Evolutions Psychomotrices" : les troubles graphomoteurs chez les enfants d’intelligence supérieure :

Les auteurs (Santamaria et Albaret, psychomotriciens) ont étudié un panel d'enfants d’intelligence supérieure,  identifiés par des moyens psychométriques reconnus, et ont utilisé l’échelle d'Ajuriaguerra pour quantifier la dysgraphie de ces enfants. Il en ressort que plus de la moitié des enfants étudiés présentent des troubles de l'apprentissage de l'écriture. Ces chiffres sont très nettement supérieurs à la fréquence des troubles de l'écriture dans la population générale

Ces auteurs ont tenté par cette étude de répondre à la question de l'origine de ces troubles chez les enfants précoces. L'hypothèse qu'ils formulent est que ces dysgraphies seraient liées à une insuffisance de la vitesse de transcription par rapport à la vitesse des processus cognitifs. Une écriture trop lente de  fait, peut mener à une crispation de la main qui écrit, et à une détérioration du tracé de l'écriture. Le problème serait alors plus net dans le graphisme spontané ou sur les lignes d'écriture exécutée à vitesse accélérée. La difficulté s’estomperait à la dictée lorsque la vitesse imposée du dehors (par exemple par l’enseignant) serait en accord avec les capacités de l'élève.

Pour être honnête, cette étude n'arrive pas complètement à ces objectifs. Si elle démontre bien (sur un petit échantillon néanmoins, les enfants en apprentissage de l'écriture au CP y sont peu représentés) la forte fréquence de la dysgraphie chez les enfants précoces, elle ne permet pas de conclure définitivement sur la question de l'origine de ces troubles de l'écriture. Les caractéristiques des dysgraphies des enfants précoces ne se différencient en effet  pas de celles rencontrées habituellement dans l'apprentissage de l'écriture. 

Savoir si ces dysgraphies découlent d’un décalage entre la vitesse de pensée et d’écriture ou si le problème se situe ailleurs, au niveau de la  coordination motrice nécessiterait de poursuivre les recherches sur une population plus importante, et avec plusieurs modèles d'écriture différents.

Affaire à suivre, donc...


Retenons néanmoins la conclusion pratique des auteurs :
" quelle que soit l’étiologie du trouble graphomoteur, la rééducation de tels sujets donne des effets positifs mais nécessite l’adaptation des techniques habituelles aux caractéristiques de ces individus."

D'autres articles pour aller plus loin :

Voir aussi :

    Bibliographie :

    AJURIAGUERRA J. De, AUZIAS M., COUMES F., DENNER A/, LAVONDES-MONOD V., PERRON R. et STAMBAK
    M., L’écriture de l’enfant : I. L’évolution de l’écriture et ses difficultés, 2ème éd., Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1971.
    ALTMAN R., Social-emotional development of gifted children and adolescents : a research model, Roeper
    Review, 1983, 65-68.
    CLARK B., Growing up gifted, Colombus, OH : Merrill Publishing Co, 1988.
    FREEMAN J., Gifted children, Lancaster : MTP, 1979.
    FREEMAN J., Identifying the able child, In KERRY T (Ed), Finding and helping the able child, London : Croom
    Helm, 1983, 19-39.
    HOWE M.J.A., The origin of exceptional abilities, Cambridge, MA : Blackwell, 1990.
    KAUFMAN A.S. et KAUFMAN N.L., K-ABC, Batterie pour l’examen psychologique de l’enfant, Paris : ECPA, 1993
    (d’après la 1° éd. americaine., 1983).
    KINCAID D., A study of highly gifted elementary pupils, Gifted Child Quarterly, 1969, 13, 4, 264-267.
    OLSZEWSKI-KUBILIUS P.M., Personality dimensions of gifted adolescents : a review of the empirical litterature,
    Gifted Child Quartely,1988 2, 347-352.
    SCOTT M., Learning strategies can help, Teaching Exceptional Children, 1988, 20, 3, 30-34.
    STERNBERG R.J., What should intelligence tests test ? Educational Researchers, 1984, 13, 5-15.
    TERMAN L.M., Genetic Studies of Genius : Mental and physical traits of 1000 gifted children, Standford, CA :
    Stanford University Press, 1925.


    TERRASSIER J.C., Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante, 3°éd., Paris : ESF, 1994.
    TERRASSIER J.C., Psychomotricité et enfants surdoués, La psychomotricité, 1978, 2, 1, 1-4.
    WEBB J.T., Nurturing social-emotional development of gifted children, ERIC Digests, 1994.
    WECHSLER D., WISC-III : Manuel de passation et d’interprétation, Paris : ECPA, 1996



    samedi 10 décembre 2011

    Les troubles de l'écriture : un élève sur cinq en difficulté

    dysgraphie
    Il est toujours extrêmement délicat de se faire une idée précise de l'évolution historique des troubles de l'apprentissage. Depuis la généralisation de l'enseignement secondaire, entre les partisans du "niveau qui monte" et les nostalgiques de "l'enseignement d'avant", il est difficile de se faire une opinion sur les difficultés d'écriture des élèves. Pour qui s’intéresse aux problèmes de dysgraphie, la question se pose souvent : Est-ce que ce sont  les exigences de l'enseignement qui changent, ou observe t-on un changement de réceptivité des jeunes générations à cet apprentissage? Bien malin qui saurait le dire.

    C'est pourquoi le travail des chercheurs de l'INSEE récemment publié dans le "Portrait social" 2011 est particulièrement intéressant à consulter, car il éclaire d'un point de vue objectif ces questions polémiques. 

    Cette étude donne une perspective historique sur les 20 dernières années, et compare les difficultés à l'écrit pour les élèves français à celles observées dans d'autres pays européens. De plus, les statisticiens se sont efforcés d'essayer de dépister les erreurs méthodologiques habituelles à ce type d' études lorsqu'on compare les performances des élèves éloignées dans le temps, ou provenant de diverses cultures.

    Que nous dit cette étude? Elle nous fournit des chiffres alarmants : le nombre d'élèves français ayant des difficultés à manier la langue et l'écrit progresse.

    Un élève sur cinq a des difficultés à  l'écrit

    et cette proportion est en augmentation significative depuis 25 ans. De plus on retrouve cette évolution dans l'ensemble des niveaux scolaires, aussi bien en primaire ou en maternelle, qu'au collège, au lycée général comme dans les filières spécialisées. Plusieurs études indépendantes le démontrent.

    difficulté élève écriture dysgraphie


    Ainsi il ressort clairement, en comparant des exercices d'écriture au cours du temps, que l’orthographe pose plus de difficulté d'apprentissage aux élèves qu’il y a vingt ans. Les tests d'apprentissage de l'écriture au CP en en primaire le démontre. Par exemple, la même dictée d’une dizaine de lignes a été proposée aux élèves de CM2 en 1987 et en 2007. Le nombre moyen d’erreurs est passé de 10,7 en 1987 à 14,7 en 2007. Le pourcentage d’élèves qui faisaient plus de 15 erreurs était de 26% en 1987, il est aujourd’hui de 46 %. 

    Un rapport du Haut Conseil de l’Education indiquait également,  en 2007, que 4 enfants sur 10 en école primaire rencontraient une difficulté liée à l’écriture

    Bien sur, les difficultés d'un élève avec l'écriture ne correspondent heureusement pas nécessairement à  une dysgraphie ou une dysorthographie, mais le contexte général qui parait à travers cette étude montre que sur 20 ans les troubles de l'apprentissage de l'écrit ont fortement progressé.


    Pour aller plus loin :

    Colmant M., Dos Santos S., « Évolution des performances en lecture des élèves de CM1. Résultats de l’étude internationale PIRLS », Note d’information n° 08.14, Depp, 2008.

    Rocher T., « Lire, écrire, compter : les performances des élèves de CM2 à vingt ans d’intervalle
    1987-2007 », Note d’information n° 08.38, Depp, 2008.


    Baudelot C., Establet R., « Le niveau monte – Réfutation d’une vieille idée concernant la prétendue
    décadence de nos écoles », Paris : Seuil, 1989.

    Bourny G., Bessonneau P., Daussin J.-M., Keskpaik S., « L’évolution des compétences générales des
    élèves en fin de collège de 2003 à 2009 », Note d’information n° 10.22, Depp, 2010.