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vendredi 18 octobre 2013

Dysgraphie et syndrome valproate


 Aujourd'hui, la rééducatrice de l'écriture voudrait pousser un coup de gueule à propos d'un médicament:

valproate et dysgraphie


Le valproate de sodium (qui est connu sous les noms Depacon, Depakene, Depakote, Depakine, Convulex,..) est un anticonvulsivant indiqué pour le traitement des crises  d'épilepsie. Certaines formulations sont également prescrites pour le traitement des troubles bipolaires, de la dépression, et même des migraines. 

 Le Valproate est connu depuis très longtemps pour ses effets tératogènes. Il a en effet été identifié depuis les années 80 que le risque d'un spina bifida était fortement augmenté lors des grossesses où la mère était traitée par valproate.



Ce qui est (encore) moins connu, c'est que même les enfants qui n'ont pas de malformations physiques majeures souffrent malgré tout encore de certains handicaps cognitifs et psychomoteurs, dont des troubles autistiques, des troubles de la motricité fine, du langage et des troubles de l'écriture cursive.

Vous vous doutez que c'est pour traiter ces problèmes d'apprentissage de l'écriture que j'ai pris connaissance des effets de ce médicament. Les enfants exposés in utero au valproate souffrent en effet fréquemment de dysgraphie. Heureusement, de mon expérience ces enfants peuvent réagir très favorablement à la rééducation de l'écriture.

 Les résultats d'une étude publiée cette année dans The Lancet Neurology ont montré que les enfants exposés in utero au valproate ont (en moyenne) un QI sigificativement plus faible que les enfants exposés à d'autres médicaments antiépileptiques. Le QI verbal est plus affecté que le QI performance. Plus étonnant, il a été noté que la proportion de gauchers est très significativement augmentée chez les enfants de  cette étude.

Le valproate module la GABA transaminase

Les différences dans les aptitudes verbales et la latéralisation peuvent être expliquées par des changements de latéralisation cérébrale liés à cette exposition aux médicaments antiépileptiques.


On sait que les zones du cerveau impliquées dans le geste d'écriture sont nombreuses. La région du gyrus précentral baptisée « aire d'Exner » a été historiquement considérée comme la zone responsable des automatismes du geste d'écriture. Les données d'exploration neurologique ont confirmé ces hypothèses, mais indiquent que le cortex prémoteur et pariétal postérieur collaborent dans les processus d'écriture. La fonction précise de chacune de ces régions et leurs modes d'interaction restent assez mal connus. Le valproate affecte les neurotransmetteurs GABA (car c'est un inhibiteur de la GABA transaminase), il influe donc sur des mécanismes de base de la transmission de l'influx nerveux. Mais l'acide valproïque est aussi un inhibiteur des histones désacétylases (HDAC) ce qui se traduit par une activité de différentiation sur certains types cellulaires. Il est possible que lors de la formation embryologique des tissus nerveux, le valproate agisse à la fois sur les différenciations cellulaires et sur la communication intercellulaire qui régissent le développement et la communication des différentes zones du cerveau impliquées dans l'écriture. Ce sujet étant pour l'instant peu étudié, les hypothèses que je retranscrit ici sont encore spéculatives

Mes observations personnelles sont que l'automatisation du geste d'écriture de ces enfants, même si elle peut être restaurée  par les exercices classiques de rééducation, est perturbée par des déficits de l’attention et des fonctions verbales. La particularité de ces troubles de l'écriture mérite certainement plus d'études. (Si d'autres praticiens veulent me contacter pour partager leurs expériences à ce sujet, ils sont les bienvenus)

Pendant longtemps les laboratoires pharmaceutiques concernés (Abott, créateur de la molécule aux Etats unis, Sanofi en France, les génériqueurs depuis que la molécule est dans le domaine publique) ont nié, puis minimisé le risque d'exposition du fœtus à cette molécule. Ce n'est que tout récemment que les notices de ces médicaments ont été revues pour décrire ces risques identifiés depuis de nombreuses années. Il y a encore quelques mois j'ai eu dans les mains la notice d'une version générique qui passait ces effets secondaires sous silence.

Le retard des laboratoires pharmaceutiques à inscrire les effets tératogènes sur les notices de ces médicaments, et l'inaction des services de pharmacovigilance aura eu des conséquences dramatique sur plusieurs générations d'enfants. Pourtant les signes d'alerte ont été nombreux et peuvent être facilement documentés depuis 1984.

Je n'ai évidemment pas la prétention de vous fournir ici un avis médical, et je ne veut pas sous-estimer le bénéfice que le valproate (et d'autres anticonvulsivants) peuvent vous apporter si vous souffrez d’épilepsie. Je ne peux que vous apporter ma vision de rééducatrice de l'écriture. Et la rééducatrice que je suis est en colère :
  • contre l'inaction des agences de veille sanitaire (les premières études montrant un risque chez l'enfant datent d'il y a 30 ans!),
  • contre l'hypocrisie des services de communication des laboratoires durant la gestion de cette crise, 
  • contre la volonté des services de marketing des laboratoires pharmaceutique d'élargir les applications de ce médicament à des affections comme la migraine, où le rapport bénéfice/risque est documenté comme défavorable (mais le marché tellement plus important).
 pour aller plus loin :



Littérature sur le syndrome de l'anti convulsif :

une description complète du syndrome depakine :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1925511


un autre article de 1984 qui porte sur l'étude de 7 enfants atteints, et évoque les retards psychomoteurs notamment pour deux d'entre eux :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/6439041

une étude clinique de 1987 qui démontre de manière évidente les risques tératogènes comportementaux sur les rats : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3110838

un article de 1988 qui a étudié 19 enfants exposés au valproate in utero : 71% ont un retard de développement et / ou une anomalie neurologique en monothérapie au valproate, 90% s'ils ont été exposé à plusieurs molécules...
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3125743

ce document photocopié, une étude de 1995 publiée en 1997 est très explicite :

Embryofoetopathie au Valproate Page 1

Embryofoetopathie au Valproate Page 2

Embryofoetopathie au Valproate Page 3

Embryofoetopathie au Valproate Page 4
 court article de 1999 paru dans une revue de neuropsychiatrie indique clairement l'importance du risque lié à la prise de dépakine pendant la grossesse.

Grossesse et thymorégulateurs

Nous pouvons poursuivre avec cette revue du centre de pharmacovigilance de Lyon, qui remonte à 2005. L'article sur l'acide valproïque est en pages 2 et 3.

Vigitox

On trouve encore le Bulletin d'Informations de Pharmacologie (BIP) de Toulouse en 2007.

Le BIP

A nouveau un article plus documenté et un peu ardu du centre de pharmacologie de Lyon daté de 2009. La lecture est difficile, mais très intéressante.

Centre médical de la Teppe


Un extrait en ligne de la revue Prescrire de 2009. Il s'agit d'une revue à destination des médecins, mais qui contrairement à la quasi-totalité de la littérature médicale, est réellement indépendante... Ceci explique sans doute cela !

Revue Prescrire sur l'Acide valproïque

L'étude la plus importante et finalement la plus inquiétante concernant les effets du valproate de sodium sur le développement cognitif est parue en 2009 dans le New England Journal of Medecine. Pour en résumer très rapidement les conclusions, disons simplement que les enfants exposés ont un quotient intellectuel verbal moyen de 92, alors que ceux exposés aux autres traitements anti-convulsivants ont un QI verbal compris entre 98 et 101.

Vous pouvez accéder à l'intégralité de l'article (en anglais) avec le lien suivant :

Cognitive Function at 3 Years of Age after Fetal Exposure to Antiepileptic Drugs

C'est la suite de cette étude, avec trois ans de recul supplémentaire qui vient d'être publiée dans
The Lancet Neurology en 2013 :

Fetal antiepileptic drug exposure and cognitive outcomes at age 6 years, The Lancet Neurology vol 12, Issue 4, p244-252

 La food and Drug administration (FDA) américaine a lancé une alerte le 6 mai 2013 (29 ans après les premiers articles décrivant le problème), qui est particulièrement explicite, et que vous trouverez ici (en anglais) :Valproate Anti-seizure Products Contraindicated for Migraine Prevention in Pregnant Women due to Decreased IQ Scores in Exposed Children

lundi 14 octobre 2013

Un police d'écriture cursive pour les enseignants : analyse critique

Cet été, le ministère de l’éducation nationale a mis à disposition des enseignants deux modèles de polices de caractères spécialement dessinées pour l’enseignement de l’écriture cursive. Vous trouverez ces modèles sur le site eduscol.
écriture cursive

A première vue ,cette initiative est la bienvenue. J'ai toujours observé dans mes échanges avec les enseignants du primaire qu'ils sont nombreux à se plaindre de l'absence de directives claires sur l'enseignement de l'écriture cursive, sans parler même de formation. Chaque fois que je fais une conférence, il y a des enseignants dans la salle : aucun ne lève le doigt quand je demande s'ils ont eu une formation dédiée à l'enseignement de l'écriture cursive.

Donc a défaut d'instructions, un modèle de police de caractère pour l'écriture cursive semble une bonne idée. Hélas, il faut avouer que ce modèle présente quelques défaut. Suite à nos échanges, une de mes collègues a publié une analyse (assez critique) de ces problèmes sur son site : écriture-paris

De mon point de vue, le fait d'avoir confié le travail de création de ce modèle d'écriture cursive à des typographes est la source de bien des erreurs : la contrainte de créer une police de caractère (où chaque lettre doit avoir exactement la même forme quelle que soit la lettre précédente et la lettre suivante) est difficilement compatible avec la fluidité nécessaire pour le geste d'écriture. Dans ce modèle d'écriture cursive la lettre commence à mi-interligne, la boucle du e est "cassée" (apraxique dans notre jargon), les formes des lettres m, n, v, w, y, s'éloignent des modèles habituels, la réglure est différentes du seyes. Autant de raisons qui rendent ce modèle d'écriture cursive difficile à suivre pour les élèves, voire pénalisant pour mettre en place l'automatisation du geste d'écriture. Dommage.

Un modèle à prendre avec beaucoup de recul, donc. Comme ma collègue, je ne saurais recommander aux enseignants d’utiliser cette police de caractères comme modèle d’écriture.

dimanche 6 octobre 2013

7ième journée des dys

Je participerai à la "7ème journée des "Dys" organisée par les associations AADA (dysphasie),
APEDA (dyslexie) et DFD Alsace qui aura lieu le samedi 12 octobre 2013
au Pôle Formation de la CCI à Strasbourg. N'hésitez pas à venir m'y poser vos questions.

La journée des dys a pour objectifs:
  •   Faire connaitre les troubles de l'apprentissage : dyslexie, dysphasie, dyscalculie, dyspraxie, dysgraphie...
  • Alerter l'opinion sur ces troubles de l'apprentissage dont souffrent beaucoup d'enfants et d'adultes : pour faire un premier pas vers le repérage de ces troubles et donc vers une prise en charge adaptée.
  • Informer les professionnels impliqués (dans les rééducations, dans les apprentissages...) mais également les familles concernées, les entreprises...
  • Sensibiliser par le biais par exemple des ateliers "Dans la peau d'un Dys"
  • Témoigner
  • Rencontrer des professionnels, des associations, des parents...
Le programme :

Tout au long de la journée :
des stands d'informations : les associations, les partenaires institutionels, les praticiens (médecins, ergothérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, psychologues, psychomotricien, et ...votre rééducatrice de l'écriture), mais aussi les acteurs de la formation et de l'insertion professionnelle, les éditeurs spécialisés.

des ateliers pour se mettre dans la peau des dys

des conférences :
» “Être Dys au quotidien” par le Dr REVOL
» “Les signes d'appels chez le jeune enfant”
» “Dis moi ce que l'on fait dans l'Académie”

La journée des dys est ouverte à tous.
Plus d'informations sur le site officiel :  http://www.journee-des-dys-alsace.com