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lundi 27 février 2012

Diagnostiquer la dysgraphie

dysgraphie écriture café
Le diagnostic de dysgraphie est plus compliqué qu'il n'y parait au premier abord. "Mon enfant est-il dysgraphique? " me demande-t-on souvent au cabinet. Aussi surprenant que cela puisse paraître, je ne suis pas en mesure de répondre seule à cette question.

Dans l'esprit de beaucoup de monde, dysgraphie est juste un synonyme de "il écrit mal". Si seulement c'était si simple!

En réalité, un diagnostic de dysgraphie ne peut être posé que par une équipe pluridisciplinaire. Imaginons quelques cas pour mieux comprendre. Dirait-on d'un enfant malvoyant qu'il est dysgraphique s'il écrit gros et sans suivre les lignes? Non bien sûr. On dirait surtout qu'il est malvoyant et que son problème de vue retentit sur son écriture. Dirait-on d'un enfant avec un très grand retard mental ou encore d'un enfant autiste qu'il est dysgraphique? Non. On dirait qu'il a un retard de développement tel qu'il ne peut accéder à l'écriture cursive aussi faccilement qu'un autre enfant. On ne parlerait pas de dysgraphie.

Est considérée comme dysgraphique, toute personne dont la qualité de l'écriture est déficiente alors qu'aucun déficit neurologique ou intellectuel n'explique cette déficience.

Il faut donc en théorie l'avis d'un neuropédiatre, d'un psychologue, d'un ophtalmologiste, d'un orthoptiste et d'un rééducateur en écriture pour poser un diagnostic de dysgraphie.

Cela dit, il n'est pas besoin d'être grand clerc pour remarquer si son enfant souffre dans son écriture ou a des difficultés à se conformer au modèle d'écriture cursive. Il est normal d'avoir envie de faire quelque chose pour l'aider : les parents et enseignants sont les mieux placés pour s'en rendre compte et se sont eux qui tirent la sonnette d'alarme, toujours à bon escient d'ailleurs. 

Si dans les cas graves le diagnostic précoce est important pour permettre un bon suivi de l'enfant et pour aider à la mise en place d'aides adaptées en milieu scolaire, dans l'immense majorité des cas l'enfant n'a pas de  réel handicap, mais juste des difficultés d'apprentissage transitoires avec l'écriture. Dans d'autres cas, ce n'est pas le diagnostic de dysgraphie en lui même qui est important, mais plutôt le diagnostic du trouble à la base du problème : une dyspraxie par exemple ou encore un handicap consécutif à un accident vasculaire cérébral.

De mon point de vue, au lieu de se focaliser sur un diagnostic lorsque le problème porte exclusivement sur l'écriture ("Oh, tout va très bien à l'école vous savez, c'est juste l'écriture qui pose problème") il est plus utile de consulter rapidement un rééducateur en écriture compétent. Selon toute vraisemblance, il sera en mesure d'aider votre enfant en commençant immédiatement une rééducation. S'il le juge nécessaire, il vous aiguillera vers une équipe médicale à même de poser un diagnostic en parallèle.

Si vous suspectez chez votre enfant  un handicap plus vaste que simplement un problème d'écriture, le fait de poser le diagnostic précis de ses difficultés, permettra en plus de la rééducation de l'écriture de mettre en place les aides selon la priorité des besoins.

Une rééducation bien menée par un rééducateur expérimenté est très efficace, même sur des enfants ayant un handicap avéré (dyspraxie, trisomie, grande prématurité, problème neuro-visuel...).

vendredi 24 février 2012

Les 5 différents types de dysgraphie selon J. de Ajuriaguerra

modèle d'écriture cursive
Selon le neuropsychiatre Ajuriaguerra, on peut classer les dysgraphies en cinq groupes distincts :
  • les dysgraphies molles ;
  • les dysgraphies impulsives ;
  • les dysgraphies maladroites ;
  • les dysgraphies raides ;
  • les dysgraphies lentes et précises.
Pour chaque groupe, les enfants ont des comportements différents vis à vis de l'écriture. De plus, ces comportements sont souvent accompagnés de fatigue et/ou de douleurs :
  •  dans le bras, la main ou les doigts ;
  •  parfois même dans le dos, la nuque ou les jambes.

Ces douleurs empêchent de maintenir longtemps l’effort graphique, lorsqu'il faut suivre un moèle d'écriture cursive.

Par ailleurs, il est important de souligner que tous les enfants peuvent avoir des difficultés lors des premiers apprentissages de la graphie.

Si ces difficultés persistent, que l’élève a accumulé un retard important et qu’il est en situation d’échec dans ces domaines, les signaux d’alerte ci-dessous peuvent vous aider à identifier le type de difficultés. Cependant, ces indicateurs doivent être utilisés avec précaution, car la frontière entre les difficultés d’apprentissage et réel handicap peut rester très floue. C’est pourquoi en cas de doute, il faut s'appuyer sur les conseils d'un professionnel qui pourra établir un diagnostic efficace pour la rééducation de l'écriture.

Toutefois, pour guider votre réflexion, vous trouverez ci-dessous quelques symptômes les plus fréquemment trouvés pour les différentes catégories de dysgraphie selon Ajuriaguerra.

L’enfant dysgraphique "mou"  :

  • a un tracé petit et arrondi ;a un tracé peu précis ;
  • a un tracé atrophié (diminue de volume) et irrégulier ;
  • a une écriture aux formes incertaines, avec parfois des zones indifférenciées (par zone, on entend respect de la zone médiane, de la zone des hampes et de celle des jambages);
  • a des lignes d’écriture ondulantes ;
  • a ses pages négligées ;
  • a un relâchement général du tracé.

L’enfant dysgraphique "impulsif" :

  • a un mouvement manquant de contrôle ;
  • a une écriture rapide, parfois saccadée, avec des lancements des finales ;
  • a ses pages négligées ;
  • préfère la précipitation à la qualité.

L’enfant dysgraphique "maladroit" :

  • a ses formes lourdes ;
  • a ses lettres mal proportionnées ;
  • a un trait de mauvaise qualité
  • a ses pages désordonnées et confuses ;
  • fait de multiples retouches ;
  • fait des pochages (lettres emplies d’encre) ;
  • fait des reprises et des soudures maladroites entre deux lettres qui devraient se succéder sans coupure.

L’enfant dysgraphique "raide" :

  • donne une impression de tension de l’écriture ;
  • a un tracé régulier mais crispé (anguleux) ;
  • l'écriture montre une prédominance des droites sur les courbes ;
  • a un appui fort, qui peut déchirer le papier  ( on sent la trace de l'écriture au dos de la feuille quand on passe le bout des doigts sur le revers de celle-ci)
  • a des changements brutaux de direction du tracé.

L’enfant dysgraphique "lent précis" :

  • a un rythme d’écriture trop lent
  • a une écriture lisible , parfois même très belle ou d'aspect calligraphique; C'est donc la dysgraphie la plus difficile à diagnostiquer, car qui penserait qu'un enfant qui a une jolie écriture puisse être en difficulté ?
Pour aller plus loin






    mardi 21 février 2012

    Conférence à Longlaville le 13 mars 2012

    Mardi 13 Mars 2012 20h00 (durée environ 2h)
    Conférence, conseils, débat

    Les enfants et l'écriture cursive

    par Anne-Gaël TISSOT rééducatrice en écriture
    Espace Jean Ferrat
    Longlaville


    -Est-il droitier ou gaucher ?
    -comment bien tenir son crayon ?
    -Quel stylo pour un enfant ?
    -Quelle position pour écrire ?
    -Comment écrire en cursive ?
    -Comment l'aider en cas de difficultés ?
    -Qu'est-ce que la dysgraphie?
    -quels modèle d'écriture cursive utiliser ?
    -etc..




    Publics ciblés
    Les enseignants de maternelle et du primaire sont invités, ainsi que les parents des élèves. L'apprentissage du geste graphique commençant dès la Petite Section, il serait dommage que les parents des très jeunes élèves n'assistent pas à cette conférence.

    Pourquoi cette conférence ?
    Parce qu'il vaut mieux prévenir que guérir et qu'une difficulté d'apprentissage du geste d'écriture risque très tôt d'hypothéquer la réussite scolaire des enfants.
    Parce que les enseignants sont rarement formés pour aider les enfants dysgraphiques et qu'ils sont démunis quand le problème se présente. Ils ressentent alors souvent le besoin d'un complément d'information.
    Parce que parents et enseignants sont les mieux placés pour aider les enfants sur leur écriture cursive.
    Parce que des solutions existent pour aider les enfants dysgraphiques.
    Parce qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire.

    Plus de renseignements : contactez moi

    lundi 20 février 2012

    L'échelle d'Ajuriaguerra : l'outil de référence pour évaluer la dysgraphie


    Vous trouverez dans cette page une présentation de  l'outil utilisé par les professionnels pour évaluer la dysgraphie et en poser le diagnostic.

    L' échelle E de mesure de la dysgraphie date de 1964 et est encore à ce jour la référence. Pour évaluer une écriture, il est utile de la comparer à d'autres écritures d'enfants du même âge et du même niveau scolaire. Ce sont l'équipe de Hélène de Gobineau et Julian Ajuriaguerra qui ont mis au point l'échelle E (échelle Enfant) dont se servent les spécialistes pour poser un diagnostic de dysgraphie chez un enfant entre 6 et 12 ans soit, grosso modo, du CP à la 6ème.
    Cette échelle contient trente caractéristiques graphiques enfantines intimement liées au stade de développement graphomoteur de l'enfant. Elle permet de noter la présence fréquente, occasionnelle ou l'absence de certaines caractéristiques de l'écriture cursive. Les caractéristiques de forme sont notées sous le label F, les caractéristiques de motricité sous le label M.

    Les différents items de l'échelle de dysgraphie E d'Ajuriaguerra 


    • F1 Ecriture enfantine : Cet item concerne l'aspect enfantin et maladroit d'un tracé et son manque de fermeté.

    • F2 Ecriture dodue : Les lettres sont plus larges que hautes, très rondes. A noter qu'il n'y a pas de F2 sans F1, une écriture cursive dodue et  habile ne sera pas cotée.

    • F3 Absence de mouvement : On sent ici que l'écriture cursive n'est pas fluide, que l'enchaînement des lettres ne se fait pas de manière aisée.

    • F4 Ecriture grande : L'écriture cursive est considérée comme grande quand au moins la moitié des lettres dépasse 3,5mm en zone médiane. L'écriture est moyennement grande quand la moitié des lettres fait entre 2,5 mm et 3,5 mm en zone médiane. On fait la moyenne si l'écriture cursive est très irrégulière.
    • F5 m et n scolaires : Les m et n sont considérés comme scolaires quand ils sont tracés en plusieurs petits ponts.

    • F6 Barre des t scolaire : La barre des t est considérée comme scolaire quand elle est bien réussie, posée au 1/3 supérieur du t.

    • F7 p scolaires : Les p sont considérés comme scolaires quand ils sont tracés en plusieurs morceaux
    • F8 a en deux morceaux : S'il y a un lever de crayon dans le tracé de la lettre, le a est en deux morceaux.

    • F9 d,q,g en deux morceaux : idem F8

    • F10 Majuscules maladroites : On considère cet item si les majuscules sont très malhabiles.

    • F11 Points de soudure : Une soudure est une difficulté de liaison entre deux lettres, quand il y a un arrêt inutile et reprise du mouvement dans le même sens.

    • F12 Collages : les lettres sont maladroitement collées entre elles

    • F13 Espaces irréguliers entre les lignes ; Item valable seulement si l'écriture cursive se fait sur papier blanc. On observe la régularité ou l'irrégularité en début de lignes.

    • F14 Zones mal différenciées : les zones médianes, des hampes et des jambages sont mal différenciées.

    • M15 Bâton descendant repris : le trait vertical des lettres d, t, p ou q est rallongé et ne peut être fait en une seule fois.

    • M16 Lettres retouchées : l'enfant retouche ses lettres sans que ce soit pour des raisons orthographiques.
    • M17 Ensemble sale

    • M18 Arquage des d,t,p,q : Au lieu d'être droits, les bâtons sont arqués (difficulté à faire une droite verticale bien verticale et rectiligne)

    • M19 Cabossage des lettres rondes : le galbe n'est pas parfait, on note des angles, des cabossages sur les lettres comportant des arrondis.

    • M20 Mauvais galbe des boucles : le galbe des boucles est mal fait : les l ressemblent plus à des sucettes fondues qu'à des l.

    • M21 Tremblements

    • M22 Tracé vacillant : le texte semble avoir été écrit dans un train en mouvement.

    • M23 Saccades : les liaisons entre les lettres sont anguleuses alors que des liaisons réussies sont arrondies au contact de la ligne de base.

    • M24 Télescopages : Les lettres sont collées les unes aux autres sans aucun trait de liaison intermédiaire. Les lettres s'écrasent les unes contre les autres.

    • M25 Lignes cassées : la ligne change brutalement de direction en décrivant un angle brusque.

    • M26 Lignes fluctuantes : la ligne ondule

    • M27 Lignes descendantes

    • M28 Mots dansant sur la ligne :le mot ne repose pas bien régulièrement sur la ligne, seulement en quelques points, même si la ligne elle même peut être bien tenue.

    • M29 Irrégularité de dimension : la dimension des lettres en zone médiane varie en amplitude sur l'ensemble du texte.

    • M30 Irrégularité de direction : les lettres n'ont pas une inclinaison régulière ; elles sont tantôt inclinées vers la droite, tantôt renversées, tantôt verticales...

    Forces et faiblesses de l'échelle de dysgraphie d'Ajuriaguerra :


    Cette échelle ayant été étalonnée et publiée en 1964, nombreux sont ceux qui affirment que le calcul de l'âge graphomoteur de l'enfant n'est plus valable aujourd'hui. En effet, les exigences scolaires ont considérablement évolué du point de vue de l'écrit. On exige aujourd'hui rapidité et lisibilité quand on demandait jadis une « belle calligraphie » et une orthographe irréprochable (ce qui nécessite du temps). On écrit au stylo bille, quand on écrivait à la plume. Toutefois, les caractéristiques -en particulier déficitaires- de l'écriture n'ayant que très peu varié, l'échelle E reste l'outil de référence pour l'évaluation de la présence d'une dysgraphie. Il est quand même à noter que de multiples caractéristiques défectueuses ne sont pas répertoriées dans l'échelle d'Ajuriaguerra (Lignes montantes, lettres rondes tournées dans le mauvais sens pour n'en citer que deux). Un professionnel compétent devra donc tenir compte dans son évaluation et surtout au cours de la rééducation de l'écriture.

    A chaque item on attribue une note entre 0 et 1 en fonction de la fréquence d'apparition dans l'écriture. Cette note est elle même affectée d'un coefficient selon les modalités définies par Julian Ajuriaguerra et son équipe. De toutes ces notes, on tire une note finale caractérisant la présence ou l'absence d'une dysgraphie. On peut également comparer le résultat obtenu avec les enfants du même âge, du même sexe, ou de la même classe et ainsi savoir si l'enfant présente un retard graphomoteur.

    Attention toutefois à ne pas perdre de vue que l'échelle d'Ajuriaguerra ne s'applique qu'aux écritures d'enfants entre 6 et 12 ans. Elle n'est pas applicable pour évaluer les difficultés d'enfants plus jeunes (particulièrement en maternelle, ou les difficultés sont souvent déjà perceptibles par rapport aux modèles d'écriture cursive) ou de personnes plus âgées.

    Enfin, il ne faut oublier que cette échelle reste très subjective et dépendante de la personne qui l'évalue ainsi que de son expérience : Coter l'échelle d'Ajuriaguerra nécessite véritablement une grande habitude et une bonne formation.


    voir aussi :

    Conférence à Obernai le 17 mars 2012

    Samedi 17 Mars 2012 
    20h00 (durée environ 2h)
    Conférence, conseils, débat
    Les enfants et l'écriture
    par Anne-Gaël TISSOT rééducatrice en écriture
    Centre Socioculturel Arthur Rimbaud
    Obernai (67)


    -Est-il droitier ou gaucher ?
    -comment bien tenir son crayon ?
    -Quel stylo pour un enfant ?
    -Quelle position pour écrire ?
    -Comment écrire en cursive ?
    -Comment l'aider en cas de difficultés ?
    -Qu'est-ce que la dysgraphie?
    -Quels modèles d'écriture ?
    -etc..

    Publics ciblés
    Les enseignants de maternelle et du primaire sont invités, ainsi que les parents des élèves. L'apprentissage du geste graphique commençant dès la Petite Section, il serait dommage que les parents des très jeunes élèves n'assistent pas à cette conférence.

    Pourquoi cette conférence ?
    Parce qu'il vaut mieux prévenir que guérir et qu'une difficulté d'apprentissage du geste d'écriture risque très tôt d'hypothéquer la réussite scolaire des enfants.
    Parce que les enseignants sont rarement formés pour aider les enfants dysgraphiques et qu'ils sont démunis quand le problème se présente. Ils ressentent alors souvent le besoin d'un complément d'information.
    Parce que parents et enseignants sont les mieux placés pour aider les enfants face à l'écriture cursive.
    Parce que des solutions existent pour aider les enfants dysgraphiques.
    Parce qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire en écriture.

    Renseignements : contactez-moi

    mercredi 15 février 2012

    Ecriture au stylo, écriture au clavier

    Souvent l' enfant souffrant de dysgraphie sévère se voit proposer de ne plus écrire et d'utiliser un clavier à la place d'un stylo.

    Les enfants qui utilisent très tôt un clavier pour écrire rencontreraient t-ils plus de problèmes d'écriture et de lecture que les enfants qui manipulent un stylo? Finalement, quels avantages y a-t-il à apprendre l’écriture manuscrite ? Que perdrait-on si elle n’était plus enseignée ? Ce sont les questionnements que pose cet intéressant article de Cerveau&Psycho. Les auteurs y décrivent quelques résultats de neurobiologie récents appliqués à la pédagogie de l'enseignement de l'écriture cursive.

    Les exercices d'écriture sont bons pour la lecture

    Premier constat : lorsqu'on reconnait une lettre par la lecture, on active les mêmes zones du cerveau que celles qui sont mises en jeu lorsqu'on trace la lettre cursive. Le mécanisme de la lecture fait appel à une mémoire qui n'est pas seulement visuelle, mais aussi sensori-motrice : les zones cérébrales qui exécutent les mouvements de l'écriture cursive et sentent en même temps les tensions musculaires résultant du mouvement, sont mises en œuvre automatiquement lorsqu'on lit.


    Or, ce réseau cérébral se met en place lorsque on apprend en même temps à lire et à écrire avec un
    stylo. Lors de l'apprentissage de l'écriture au CP,  les enfants qui apprennent la lettre A associent sa forme visuelle avec le son [a] et le mouvement qui permet d’écrire un « A ». La correspondance entre le mouvement graphique et la forme produite est unique : à chaque lettre correspond un seul mouvement.

    Le cerveau est mieux mobilisé par l'écriture manuscrite

    écriture cursive cerveauLa situation est forcément différente lorsqu’on écrit avec un clavier. Il s’agit cette fois d’atteindre une touche du clavier où se trouve une forme donnée. La correspondance entre le mouvement et la forme de la lettre est arbitraire : un mouvement identique peut aboutir à produire deux lettres différentes, et inversement, la même touche peut être atteinte par des mouvements différents… Il n’y a donc plus une relation simple entre la lettre et le mouvement, et rien dans le mouvement d’atteinte des touches ne renseigne sur la forme ou l’orientation de la lettre formée. Si, comme les études neurologiques le montrent, il est essentiel de développer la perception des mouvements de la main pour bien apprendre à reconnaître les lettres, il n'est pas indifférent d’apprendre à écrire au clavier et au stylo.


    Pour le montrer les auteurs ont testé chez des enfants âgés entre quatre et cinq ans le lien entre l’écriture cursive manuscrite ou au clavier et l'apprentissage de la lecture. Ils ont trouvé que l'apprentissage de l'écriture manuscrite était bénéfique : les enfants reconnaissaient mieux les lettres qu’ils avaient écrites à la main. Au contraire, les enfants ayant appris au clavier avaient des difficultés à reconnaître certaines lettres. Ainsi, il est bon d’apprendre à écrire avec un stylo, si l’on souhaite développer une bonne reconnaissance visuelle des lettres. Le clavier semble donc peu recommandé lorsqu'on est encore en apprentissage de la lecture, que ce soit en maternelle et primaire, ou plus tard, si on a encore des difficultés avec l'écriture cursive ou la lecture.

    Clavier et dysgraphie

    Pour les enfants et les adolescents qui souffrent de dysgraphie et de dyslexie, avant de passer à l'ordinateur, il est donc préférable d'essayer une rééducation de l'écriture, puisque le fait de passer au clavier va influer sur les capacités cognitives leur manière de traiter l'information écrite.


    Pour aller plus loin :

    La bibliographie des articles d'origine de cette étude :

    M. LONGCAMP et al.,
    in Acta Psychologica, vol. 119(1), pp. 67-79, 2005.

    J. L. VELAY et al.,
    sous la direction de E. Gentaz et P. Dessus, Dunod, pp. 69-82, 2004.

    M. LONGCAMP et al.,
    in Neuroimage, vol. 19(4), pp. 1492-1500, 2003.

    et pour les anglophones un article de vulgarisation du Wall Street journal avec des conclusions similaires provenant d'équipes d'outre atlantique sur les relations entre écriture au clavier et écriture manuscrite








    samedi 11 février 2012

    Rééducation de l'écriture allemande, rééducation de l'écriture française

    écriture cursive allemande
    Pratiquant la rééducation de l'écriture en Alsace, il est normal que je rencontre de temps à autre au cabinet des enfants ayant été scolarisés en Allemagne. L'écriture manuscrite enseignée dans le système scolaire allemand diffère largement de l'écriture cursive apprise au CP en France. Vous pouvez voir les différences des caractères de l'alphabet. Le tracé des lettres "a"et "t" par exemple est très différent du modèle d'écriture français.

    Dans cette écriture cursive que l'on appelle actuellement Vereinfachte Ausgangsschrift, les formes sont héritées de l'écriture cursive Sütterlin. La Sutterlin porte le nom du graphiste qui l'a introduite en Prusse au début du 20ieme siècle. Ce système d'écriture cursive s'est répandu en Allemagne et on nomme parfois par extension de ce nom l'écriture manuscrite enseignée actuellement dans ce pays.

    Cette écriture en attaché se rapproche plus d'une écriture script à laquelle on aurait ajouté des liaisons inter-lettres. Ce modèle d'écriture nécessite par conséquent un geste beaucoup moins fluide que celui auquel nous sommes habitués avec l'écriture cursive française. Observez le f qui se termine en bas, le r qui se termine en haut, et le t qui n'a rien de commun avec le notre...Ces spécificités sont les difficultés traditionnelles de cette écriture cursive, et posent des difficultés spécifiques en rééducation.

    Il est à noter qu'à cause des différences de tracé avec l'écriture cursive que nous connaissons en France, ces écritures demandent quelques aménagements pour lors des exercices de rééducation de l'écriture. Toutefois, la rééducation reste bien entendu possible.

    Ecriture manuscrite en Alsace : les établissements internationaux


    A Strasbourg, capitale européenne et cité internationale par nature, un certain nombre d'établissements proposent des enseignements "internationaux". Les cours s'effectuent dans deux langues. Dans certains cas les alternances de cours entre la langue allemande et la langue française s'accompagnent de l'exigence des professeurs de passer d'un système d'écriture manuscrite à un autre. On comprend facilement que lorsqu'on apprend l'écriture cursive en maternelle, ou lorsqu'on consolide ses acquis en primaire,  il est particulièrement perturbant de se voir enseigner les deux systèmes simultanément. Le plus difficile pour ces enfants est de devoir les utiliser successivement avec des enseignants différents, qui auront des exigences forcément différentes sur le type de tracé. Rien d'étonnant à ce que la maîtrise de l'écriture cursive soit plus difficile pour ces élèves (sans pour autant qu'il faille parler de dysgraphie).

    L'ouverture à des cultures différentes est un bénéfice extraordinaire pour les enfants. Mais pour maîtriser le geste d'écriture, je crois que rien ne vaut la stabilité d'un seul système d'écriture cursive, quel qu'il soit, allemand ou français.
    écriture cursive allemande
    Cahier d'écriture niveau CP, école allemande


    dimanche 5 février 2012

    Exercices d'écriture : l'évolution de l'enseignement

    Exercices d'écriture au CP et en maternelle

    l'évolution du XIXème au XXIème siècle

    exercice d'écriture cursiveUne étude sur l'évolution des programmes scolaires français sur l'enseignement de l'écriture permet de remettre en perspective les problèmes de dysgraphie observés aujourd'hui.

    Lire, écrire, compter sont depuis longtemps les cibles prioritaires de l'éducation. Déjà, la loi du 15 mars 1850 intégrait l'écriture aux matières obligatoires de l’enseignement primaire. L’arrêté du 31 décembre 1867 en faisait d'ailleurs une épreuve d’admission dans les écoles normales dont elle devient, par le décret du 22 janvier 1881, une partie du programme. A l'époque, le programme des écoles normales de 1850 lui accorde même beaucoup de place puisqu’il comporte l’étude de genres d’écriture qui ne sont pas évalués à l’examen final.

    Même « l’enseignement donné dans les salles d’asile publiques ou libres comprend les premiers principes de l’écriture » (Décr. 21 mars 1855, art. 2)1.

    Au début du XXème siècle, le programme de l’école maternelle comporte les premiers éléments de l’écriture pour la section des grands et précise clairement les exercices: « Premiers exercices d’écriture. Premiers exercices de lecture et, le plus vite possible, copie quotidienne d’une des phrases de la leçon de lecture, écrite au tableau noir » (instructions du 16 mars 1908)2.

    Les instructions de 1938 continuent à préciser que « tous les soins devront être donnés à l’écriture cursive »3.

    C'est à partir de 1956 que les premières ré-orientations des programmes commencent à diminuer la place donnée à l'enseignement de l'écriture : Lorsque cette année-là un arrêté supprime l’horaire d’écriture au cours moyen, des inspecteurs réagissent : « Reste l’écriture cursive dont on regrettera peut-être la disparition à l’horaire du cours moyen. Mais il est possible de rectifier et de perfectionner la calligraphie des enfants pendant l’horaire consacré aux devoirs [...] Il est conseillé de réserver, à l’intérieur des 5 heures de devoirs, trente minutes par semaine à des exercices d’écriture méthodique. »  4.

    La circulaire du 3 septembre 1965 souligne : « en plus des qualités générales que l’attention accordée à l’écriture et à la bonne tenue des cahiers peut développer chez les enfants, des expériences récentes ont apporté la preuve que l’acquisition d’une bonne orthographe dépend au moins partiellement du soin avec lequel les devoirs sont écrits chaque jour » 5.

    Les premières contradictions flagrantes entre l'apprentissage du geste d'écriture et son usage immédiat dans d'autres apprentissages transparaissent dans la circulaire du 4 décembre 1972. Elle affirme que «
    si les occasions d’écrire ne sont saisies qu’à l’occasion d’exercices appelant l’attention sur d’autres soins que celui de l’écriture cursive -travaux d’expression écrite, d’orthographe, etc. - on ne s’attendra pas à des chefs-d’œuvre de graphisme. Or, il est nécessaire que l’écriture cursive devienne aisée, régulière et bien lisible »  6.

    Exercices d'écriture ou exercices utilisant l'écriture?

    L'enseignant se retrouvera dès les années 70  désarmé devant cette double contrainte.


    La circulaire du 2 août 1977 précise qu’en maternelle, l’apprentissage du "tracé " de signes arbitraires peut, malgré tout, être abordé, au moins en section des grands » 7. La même circulaire demande que l’instituteur « fasse appel, chez l’enfant, au besoin de correspondre avec une personne absente et veille à ne proposer que des graphismes recouvrant des significations » 8. Alors qu’il y avait, dans les textes précédents, certes bien anciens, une incitation à faire écrire les enfants, à leur donner les premiers éléments d’apprentissage de l’écriture cursive, ces textes des années 70 donnent l’impression d’inviter les enseignants à exclure totalement l’écriture de l’école maternelle. Les textes parlent surtout d'une attention aux capacités de l’enfant, afin que l’enseignant lui permette une copie s’il en est capable. Mais dans la réalité, pour beaucoup d'enfants l'apprentissage des gestes fondamentaux de l'écriture cursive va être reporté jusqu'aux classes où on attendra de lui de pouvoir utiliser cet outil avec aisance dans d'autres exercices. A la maternelle, avant le CP, on se limitera en pratique à faire du graphisme, et non plus de la préparation au geste d'écriture.


    L’arrêté du 10 juillet 1980 prescrit « des exercices méthodiques d’écriture »9 pour le cours moyen. Mais les programmes précis avec répartitions des exercices d'écriture cursive n’existent plus à cette date pour aucun des niveaux de l’école élémentaire, et surtout manquent au CP.

    L’arrêté du 23 avril 1985 continue à indiquer l’importance de l’écriture : «  discipline de la main et du corps, support de tous les enseignements, l’écriture cursive est l’objet d’une attention constante de la part du maître : elle exige l’exactitude du tracé, le respect des règles, la qualité de la présentation »10.  Mais le contenu exact de l'apprentissage de ce geste d'écriture est bien absent du programme.

    La loi d’orientation de 1989 a institué trois cycles pour l’école primaire : le cycle des apprentissages premiers, qui concerne la maternelle, le cycle des apprentissages fondamentaux, qui correspond à la grande section de maternelle et aux CP, CE1, le cycle des approfondissements qui remplace ou recouvre les CE2 et CM.  Les compétences, dont la liste a été établie en 1991, et les programmes de 1995, ont donc été pensés de façon à ce qu’il y ait une continuité sur toute la durée de l’école primaire (maternelle et élémentaire). L’écriture cursive y est considérée comme importante pour chacun des trois cycles. Des compétences sont à développer dans ce domaine tout au long de la scolarité primaire. Les programmes sont plus développés au cycle des apprentissages premiers ; les exercices d'écriture cursive doivent toujours y être « fonctionnels et inscrits dans des activités signifiantes »11. Ils se réduisent au CP et, au cycle des approfondissements, le verbe apprendre n’est plus utilisé. Les programmes continuent donc à porter attention à l’écriture tout au long de la scolarité primaire, mais sans donner aux enseignants un moment ou l'exercice d'écriture sera mené pour lui-même.

    De toute évidence, l’apprentissage de l’écriture a toujours eu une importance du point de vue des programmes scolaires. Cet apprentissage commence à la fin de l’école maternelle pour se poursuivre durant toute la scolarité primaire.  Mais, les programmes et instructions n’en ont pas moins beaucoup évolué, reportant de plus en plus le problème de l'apprentissage du geste d'écriture cursive vers des classes ou il entre en concurrence avec d'autres apprentissages (orthographe, grammaire, expression écrite)



    Pour aller plus loin :


    La thèse  d'Yves Le Roux, 2002 - Université Lumière Lyon 2 passe au crible l'évolution de la pédagogie de l'écriture et son impact sur l'éducation psychomotrice.



    Notes :
    1.
    Buisson, F. : Dictionnaire de Pédagogie, 1 è partie, Tome 1, Paris 1887, p.801.
    2.
    LETERRIER, L. : Programmes instructions, Hachette, Paris 1973, p.24.
    3.
    GOSSOT, H. ; HERBINIERE-LEBERT, J. et BRUNOT, F. : L’enseignement du premier degré de 1887 à 1962 - De la Théorie... à la Pratique. ISTRA, Paris 1963, p.523.
    4.
    id. p.525.
    5.
    AUZIAS, M. : L’apprentissage de l’écriture. Colin, Paris 1966, p.56.
    6.
    LETERRIER, L. : op. cit. p.104.
    7.
    LETERRIER, L. : Programmes instructions. Hachette, Paris 1981, p.133.
    8.
    id.
    9.
    id. p.374.
    10.
    MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE : Ecole élémentaire. Programmes et instructions. B.O. CNDP 1985, p.25.
    11.
    MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE : Programmes de l’école primaire. CNDP 1995, p.32.