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jeudi 27 juin 2013

Précoce et dysgraphique

M. est un jeune homme brillant, scolarisé en 5ème. Enfant à haut potentiel, il a sauté une classe en primaire. Comme beaucoup d'enfants précoces, l'écriture a toujours été un problème pour lui : écrire est un acte qui prend beaucoup trop de temps, et qui ne lui sert pas à grand chose puisqu'il n'a pas besoin d'écrire pour retenir ses leçons. Au collège, ses résultats sont toujours aussi bons, mais son écriture est devenue illisible. Pour lui permettre de continuer ses études dans de bonnes conditions, M utilise depuis le début de l'année un ordinateur en classe, ce qui lui convient beaucoup mieux que le traditionnel stylo. Malgré tout, même s'il n'a pas l'intention d'abandonner l'ordinateur en classe, il reconnaît que dans certaines situations il est bien pratique de pouvoir écrire. A ce titre, il a souhaité entreprendre une rééducation pour récupérer une écriture lisible.

Voici le résultat de ses efforts, sur une durée de rééducation de 4 mois, soit 6 séances en tout. En haut, un extrait de son écriture en cours d'histoire début janvier, en bas un extrait de son cahier de physique début mai.

Tout n'est pas parfait, mais l'objectif est atteint : M. peut prendre des notes lisibles au collège à la vitesse exigée par son niveau scolaire.

samedi 22 juin 2013

Dys : le diagnostic des troubles d'apprentissage selon le DSM-5

Les Nouveaux critères de diagnostiques du DSM5 sont sortis!

dictionnaire éducation crayon cahierLe manuel de diagnostic et statistique des troubles mentaux (acronyme en anglais: DSM) est la norme de classification des troubles utilisés par les professionnels de la santé mentale. En plus de fournir une description détaillée des critères des pathologies, le DSM est aussi un outil nécessaire pour la collecte  de statistiques précises de santé publique. La nouvelle édition communément intitulée DSM-5, est sortie en mai 2013. Faisant l'objet de certaines critiques (il est bien normal qu'un livre qui décrive des critères de pathologies mentales rende fou...), c'est néanmoins une référence pour la plupart des praticiens.

Certains seront étonnés que dans ce site sur la dysgraphie et la rééducation de l'écriture, je fasse référence à un ouvrage de psychiatrie. Bien que décrivant essentiellement des pathologies mentales, le DSM-5 donne aussi une nouvelle définition des troubles de l'apprentissage, qui recouvre les dys : dyslexie, dyscalculie, dysgraphie. Il est important pour les praticiens d'avoir des critères et une vision commune de ce qu'on appelle les troubles d'apprentissage, et le DSM fournit un cadre reconnu internationalement. J'ai en revanche une vision personnelle de la psychiatrisation à outrance des troubles de l'apprentissage qui fera sans doute l'objet d'un prochain billet d'humeur



En attendant voici la liste des nouveaux critères diagnostiques pour les tro
ubles d'apprentissage : 

Pour considérer qu'une personne souffre de trouble d'apprentissages il faut réunir l'ensemble des quatre points suivants :

A) Le patient a ou a eu des difficultés persistantes dans l'acquisition de la lecture, de l'écriture, l'arithmétique, ou les capacités de raisonnement mathématique au cours de la scolarité. Le patient doit présenter au moins un des huit éléments suivants:

1. Une lecture incorrecte, lente ou nécessitant des efforts importants
 
2. Une difficulté à comprendre le sens de ce qui est lu (Il peut lire le texte avec précision mais ne pas comprendre la signification profonde de ce qui est lu)

3. Une mauvaise orthographe (par exemple, il peut ajouter, ou omettre, ou substituer des voyelles ou des consonnes)

4. Une mauvaise expression écrite (le patient fait de nombreuses erreurs  grammaticales ou de ponctuation; l'expression écrite des idées manque de clarté; l'organisation des paragraphes est incorrecte ou son écriture manuscrite est particulièrement illisible )

5.
Difficulté à se souvenir des faits numériques

6. Calculs arithmétiques inexacts ou lents

7. Raisonnement mathématique inefficaces ou inexacts

8. Évitement des activités nécessitant d'écrire, de lire, d’épeler ou de calculer

B) Les compétences actuelles dans un ou plusieurs de ces domaines académiques sont bien en dessous de la moyenne des enfants du même âge (la recommandation est de ne considérer le diagnostic qu'à partir d' 1,5 écarts-types en dessous de la moyenne), en tenant compte de la langue, du sexe, ou du niveau d'éducation
et en se basant sur des tests académiques de lectures, d'écriture ou de calcul, reconnus, standardisés, et adaptés à la culture et à la langue du patient. 

C) Les difficultés d'apprentissage ne sont pas explicables par un trouble du développement intellectuel, par un retard global de développement, par des troubles neurologiques sensoriels (vision, audition), ou par des troubles moteurs. 

D) En l'absence des outils, ou des aides qui permettent à l'individu de compenser ces difficultés, ces troubles interfèrent de manière significative avec la réussite scolaire, la performance au travail ou les activités de la vie quotidienne


Les recommandations proposées pour le diagnostic des troubles spécifiques de l'apprentissage dans le cadre du nouveauDSM-5 suggèrent qu'un diagnostique ne devrait être fait que si le praticien a collecté et cliniquement synthétisé les informations pertinentes sur l'évolution personnelle du patient, son contexte familial, et son contexte scolaire, en incluant les rapports faits par l'équipe éducative, et les conclusions des rééducations.

Pour aller plus loin :

jeudi 20 juin 2013

Léo, 5ème, nous donne des nouvelles

Léo est un bon élève de 5ème pour qui l'écriture posait problème.
Il a donc suivi une rééducation, sur 4 séances étalées entre fin janvier et début avril 2013.
Les progrès avaient été remarquables, nous avions donc arrêté la rééducation lors de la quatrième séance.

Un trimestre après, Léo nous donne des nouvelles. L'écriture dans son cahier de sciences est toujours parfaitement lisible et conforme à ses attentes. Bravo Léo !


mardi 11 juin 2013

La dysgraphie, l'écriture cursive, et le chinois

écriturechinoise pinceauUn article récent de Research in Developmental Disabilities a attiré mon attention. Il s'agit d'un travail de l'université de Taïwan sur la caractérisation des mouvements de la main dans les cas de dysgraphie. Bien entendu l'écriture considérée est l'écriture scolaire en vigueur à Taïwan, à savoir l'écriture cursive chinoise  traditionnelle, qui est particulièrement éloignée en terme de tracé de l'écriture cursive que nous utilisons pour l'alphabet latin.





Ce qui m'a particulièrement interpellée, c'est que les conclusions de nos collègues taïwanais sont très proches de celles que nous avons en France sur l'écriture cursive.

La dysgraphie des enfants taïwanais se caractérise par des interruptions du geste d'écriture pendant les levées de crayons plus longues que pour le groupe témoin, et par des changements accrus de vitesse et de direction dans le tracé.

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Exemples de mesures du geste d'écriture cursive en chinois (à gauche: un exemple de groupe de contrôle, à droite: un exemple de groupe dysgraphique). Les données comprennent la trajectoire du stylo (en haut), les profils de vitesse (au milieu) et la force axiale exercée sur le stylo (en bas).



Ce sont exactement les mêmes conclusions que celle des équipes du laboratoire d'Albaret, et que celle que j'ai dans la pratique de la rééducation de l'écriture au cabinet. Le contrôle des levées de crayon, et la maîtrise des vitesses et des changements de direction sont cruciaux pour rééduquer l'écriture. Apparemment ces conclusions sont identiques pour la dysgraphie en écriture chinoise comme en écriture cursive française.

écriture cursive analyse vitesse direction
Un exemple de mesures de vitesses similaires sur le tracé de la lettre "a" en écriture cursive


L'article d'origine :
    a Department of Occupational Therapy, I-Shou University, Kaohsiung, Taiwan
    b Department of Physical Therapy, I-Shou University, Kaohsiung, Taiwan

      Traduction du résumé de l'article :

      La Dysgraphie (lorsqu'elle est d'une gravité suffisante pour interférer avec le travail scolaire) a été reconnue comme constituant un trouble spécifique. Caractériser les problèmes du geste d'écriture est une étape nécessaire pour permettre une meilleure intervention thérapeutique. Parmi des enfants âgés de 6 à 8 ans, 69 enfants présentant des caractéristiques dysgraphiques (groupe d'étude) et 69 enfants aux compétences avérées en écriture manuelle (groupe témoin) ont été recrutés dans cette étude. Ils ont passé quatre tests de copie de différents niveaux de complexité qui ont été mesurés à l'aide d'une tablette numérique. Les données acquises consistent en des mesures directes (force de la pointe du stylo) et des paramètres dérivés (vitesse de course, temps de pause, le nombre de pics de vitesse et le ratio entre les temps de levée de crayon et le temps de tracé). La principale conclusion est que les enfants qui présentent des caractéristiques dysgraphiques ont des temps de pause plus élevés et une augmentation du nombre de changements de direction et de vitesse. Des différences significatives ont également été observées à l’intérieur de chaque groupe, en particulier dans le groupe témoin. Les paramètres extraits et observés dans cette étude pourront permettre de différencier et de caractériser les problèmes d'écriture provenant de déficits de la motricité fine.

      Pour aller plus loin :